Il est devenu banal de considérer que la politique n'intéresse pas les gens, et d'entendre des discours négatifs sur les personnalités politiques selon lesquels ceux-ci chercheraient d'abord à satisfaire leur ambition et leurs intérêts personnels. Le chiffre des abstentionnistes, lors d'un scrutin quelconque, est à cet égard toujours cité comme signe de la désaffection d'un peuple pour la chose politique. Aussi, se demander si la politique est l'affaire de tous, c'est-à-dire si la politique nous concerne tous, ce n'est pas seulement s'interroger sur les raisons d'une telle désaffection, mais plutôt sur le rapport complexe et multiple, que les individus ont avec la politique. Il est clair que la politique est d'abord l'affaire de ceux qui en font, qui assument des fonctions à différents niveaux de responsabilité. Mais au-delà, la question nous interroge sur tous les autres. Ainsi, même si nous ne nous intéressons pas à la politique, pouvons-nous dire qu'elle ne nous concerne pas ? Suffit-il en l'occurrence de se sentir concerné par la politique pour qu'elle soit notre affaire ? On voit que le problème consiste plus largement à comprendre ce qu'est la politique, et comment nous pouvons nous définir nous-mêmes par rapport à elle.
C'est dans cette optique que nous devons commencer par prendre conscience des raisons qui expliquent le désintérêt fréquent pour la chose politique (...)
[...] Si, comme le pense Aristote, c'est le destinataire de la politique qui est le mieux à même de juger de la question politique, alors celle-ci est déjà mon affaire dans le fait même de désigner celui ou ceux qui vont me représenter. La démocratie directe étant impossible dans une population étendue, cela ne signifie pas que l'on doive se détourner de la politique ; bien au contraire. Mais au-delà, même, de la désignation de tel ou tel à une charge quelconque, les démocraties modernes se caractérisent par la possibilité pour chacun de briguer un poste de responsabilité, dans la mesure où l'on dispose de tous ses droits civiques. [...]
[...] On comprend aussi que du même coup, la politique n'est pas l'affaire que de ceux qui exercent des fonctions, mais de tous. Pourtant, si la culture grecque permettait de se considérer comme l'égal de l'autre face à la question politique, il est clair que la nature humaine ne peut autoriser une organisation dans laquelle une autorité ne serait pas donnée à certains sur tous les autres. Les hommes par nature ne sont pas spontanément pacifiques ; il leur arrive d'utiliser la violence pour défendre leurs intérêts personnels. [...]
[...] La politique ne concernerait donc, selon ce point de vue, que ceux qui exercent des responsabilités politiques. Si une telle séparation n'est pas sans fondement, elle ne peut pourtant être expliquée seulement par cette idée que les politiques formeraient un monde à part, replié sur lui-même. La politique, en tant qu'elle consiste en l'organisation d'une société selon des lois, est le domaine où l'on doit prendre des décisions pour tout le monde. Le fait d'assumer des fonctions, qu'elles soient de maire, de député, de Président, revient en effet à faire des choix qui ne seront pas valables que pour soi-même, mais pour toute une population. [...]
[...] Il apparait qu'au travers de cette notion, la politique est bien l'affaire de tous, au sens où elle donne à chacun un droit de regard sur la manière dont la société à laquelle il appartient est organisée, mais lui impose aussi le devoir de ne pas faire comme si cela ne le concernait en rien. Contre le sentiment trop fréquent de se trouver face à des problèmes qui ne nous concernent pas, la politique apparaît bien comme l'affaire de tous. Il est vrai toutefois que tout le monde ne peut exercer des fonctions politiques, et que les compétences, ainsi que le goût pour la politique, semblent transformer celle-ci en domaine réservé. Mais c'est précisément parce qu'elle relève de l'activité de quelques-uns, que tout le monde doit pouvoir y être attentif. [...]
[...] Mais cet aspect des choses ne renvoie qu'à la question de la politique entendue comme exercice du pouvoir. Sous un autre angle, il faut aussi la considérer du côté de ceux sur lesquels s'exerce ce pouvoir Si la politique est l'organisation d'une société sous une autorité commune, alors on ne peut se contenter de penser celle-ci en terme d'efficacité ou de responsabilité. Le problème de l'autorité est aussi de savoir à qui on doit la confier, et dans quel but. [...]
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