La Société contre l'Etat, chapitres 1 et 2, Pierre Clastres, 1974, anthropologie politique, J.W. Lapierre, sociétés archaïques, évolutionnisme, ethnocentrisme, institutions politiques, pouvoir coercitif, Marx, Engels, Durkheim, Lévi-Strauss, révolution copernicienne, sociétés amérindiennes, chef indien, Francis Huxley, fiche de lecture
On définit généralement le pouvoir comme la relation coercitive du commandement-obéissance, définition qui exclut du champ politique nombre de sociétés notamment amérindiennes. Clastres s'interroge sur le livre d'anthropologie politique de J.W. Lapierre, "Essai sur le fondement du pouvoir politique" (1968), qui a déterminé que le pouvoir politique résulte non de la nature, mais de la culture. Lapierre s'attache ensuite à classer les différentes sociétés "archaïques" en cinq grands types partant des sociétés archaïques dans lesquelles le pouvoir politique est le plus développé pour arriver à celle qui n'en présente que peu, voire pas du tout. Le problème réside en ce que l'on ne connaît pas la définition du pouvoir politique sur laquelle l'universitaire fonde son analyse.
En outre, cette analyse relève d'un évolutionnisme implicite. Alors, "ou bien le concept classique du pouvoir est adéquat à la réalité qu'il pense, auquel cas il faut rendre compte du non-pouvoir là où on le repère ; ou bien il est inadéquat, et il faut alors l'abandonner ou le transformer". On a donc ici une description du projet de Clastres. Bien sûr, ce concept du pouvoir découle de l'ethnocentrisme, il est vrai commun à tous les peuples comme le souligne Lapierre. Toutefois, la différence entre l'ethnocentrisme occidental et l'ethnocentrisme "primitif" réside dans le fait que tandis que les Occidentaux l'érigent en science, plaçant donc son jugement dans l'ordre de l'universel, les "primitifs" se contentent de se croire supérieurs.
[...] Il n'y a donc aucune réciprocité, aucun n'échange dans ces trois signes : ce refus de la réciprocité instaure la sphère politique non seulement comme extérieure à la structure du groupe, mais bien plus comme négatrice de celui-ci : le pouvoir est contre le groupe, et le refus de la réciprocité, comme dimension ontologique de la société, est le refus de la société elle-même Ainsi, comme ces trois niveaux sont extérieurs à la société, aucun ne peut exercer d'influence sur elle, ce qui explique l'absence d'autorité du chef : le rejet de celle-ci à l'extérieur est le moyen même de la réduire à l'impuissance De fait, tout se passe comme si les sociétés indiennes avaient eu l'intuition de l'essence coercitive du pouvoir, et ont fait en sorte de le neutraliser : il n'y a pas d'échange, ce qui brise la chaîne du pouvoir : c'est pour cela que l'on nomme chef l'homme en qui vient se briser l'échange des femmes, des mots et des biens Le chef est fait prisonnier du groupe par sa fonction : il se doit de subvenir à leurs besoins ; son obligation de parole l'écarte de la violence coercitive (c'est d'ailleurs pour cela que les Indiens écoutent rarement son discours : c'est le discours en lui-même qui compte, pas son contenu) ; sa polygynie le rend dépendant du groupe. Dans Aimables sauvages. Dans La Vie familiale et sociale des Indiens Nambikwara. [...]
[...] D'où une telle institution sans ‘'substance'' tire-t-elle la force de subsister ? En 1948, R. Lowie donnait trois traits essentiels de ce qu'il nommait le titular chief : Le chef est un faiseur de paix ; il est l'instance modérée du groupe, ainsi que l'atteste la division fréquente du pouvoir en civil et militaire. Il doit être généreux de ses biens, et ne peut se permettre sans se déjuger, de repousser les incessantes demandes de ses administrés Seul un bon orateur peut accéder à la chefferie. [...]
[...] La Société contre l'État, chapitres 1 et 2 - Pierre Clastres (1974) I. Chapitre 1 : Copernic et les sauvages (étude de novembre 1969). On définit généralement le pouvoir comme la relation coercitive du commandement-obéissance, définition qui exclut du champ politique nombre de sociétés notamment amérindiennes. Clastres s'interroge sur le livre d'anthropologie politique de J.W. Lapierre Essai sur le fondement du pouvoir politique (1968), qui a déterminé que le pouvoir politique résulte non de la nature, mais de la culture. [...]
[...] Pour Lapierre, exposant les idées ethnologiques de Marx et Engels, bien différentes de ce que Clastres vient de formuler, la vérité du marxisme est qu'il n'y aurait pas de pouvoir politique s'il n'y avait pas de conflits entre les forces sociales Ainsi, il n'y aurait pas de pouvoir politique coercitif sans conflit social. Mais qu'en est-il des sociétés à pouvoir politique non coercitif ? Et quel fut le moteur du passage du pouvoir non coercitif au pouvoir coercitif ? Ne serait-ce pas ce qui se dissimule précisément à notre regard en elles, c'est-à-dire justement dans le politique lui-même ? [...]
[...] Même dans les sociétés sans institutions politiques, le politique est présent et la question du pouvoir s'y pose donc également, comme quelque chose qui existe dans l'absence. Toute société est politique par nature, bien que tout homme ne soit pas par nature politique. Bref, Lapierre se trompe en ce qu'il ne considère que l'aspect coercitif du pouvoir. Dès lors, qu'en est-il du pouvoir non coercitif ? Quel est son fondement ? Pourquoi y a-t-il pouvoir plutôt que rien ? Ainsi, deux grandes interrogations se détachent : Qu'est-ce que le pouvoir politique ? [...]
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