Dans son ouvrage Rhétorique de la tribu, rhétorique de l'Etat, Francis Goyet, professeur de littérature française de la Renaissance, se demande 'dans quelle mesure un discours politique est efficace'. Cette interrogation fondamentale constitue la première phrase du livre. L'auteur choisit d'examiner la question sous l'angle de la rhétorique, à travers les 'bons mots et autres jeux de mots' qui, collectivement partagés, sont de ce simple fait profondément politiques. S'appuyant sur une critique de la pragmatique anglo-saxonne, qui selon lui néglige la question du pouvoir et des institutions, F. Goyet définit l'efficacité de la rhétorique comme une 'capacité à révolutionner un auditoire'
[...] Goyet aboutit à des constats subtils et très justes, comme celui aujourd'hui dirigeants et dirigés se manipulent réciproquement Cependant, on peut se demander à quel point, à force d'insister sur la complexité du problème posé, le propos de l'auteur ne menace pas de basculer dans le relativisme ; un relativisme certes lucide et délibéré, qui s'opposerait au relativisme aveugle de la tribu (aveugle quant à sa propre nature), mais un relativisme tout de même "Tout est relatif" : oui L'éloge d'une tolérance qui paraît quelque peu lénifiante en procède à bien des égards. En outre, F. Goyet adopte parfois un ton moralisateur et peu convaincant, notamment lorsqu'il évoque la pratique des relations internationales. Il est cependant délicat de critiquer l'auteur sans en simplifier grossièrement la pensée, car celle-ci est (excessivement) nuancée, devenant parfois contradictoire à force d'être alambiquée (cf. le point de vue final sur la pertinence ou non de la posture relativiste). [...]
[...] Une rhétorique parfois difficile à suivre Rhétorique de la tribu, rhétorique de l'Etat, est un ouvrage écrit d'une plume alerte, joyeuse et informée, qui a au moins pour mérite de mettre en évidence la duplicité du bon mot en tant que tel. Il cherche également à définir la tribu et l'Etat en partant de leur rhétorique respective, ce qui est nettement plus ambitieux mais laisse un peu le lecteur sur sa faim. Qu'est-ce qui finalement permet " au citoyen d'échapper au tribal " par le recours à l'Etat, qu'est-ce qui le pousse à faire ce choix ? [...]
[...] titre L'Humanité en 1985, révélant une vérité qui n'est plus " Delebarre est un traître mais " la bourgeoisie fait marcher l'économie sur le dos des travailleurs Enfin, le bon mot peut constituer une réaction à une situation de crise, définie comme absence de distinctions ; il recompose alors une vérité : le " Parlons France " de Laurent Fabius est ainsi analysé comme littéralement une ré-action au chaos d'un monde où tous les hommes politiques se ressembleraient, le " Parlons France " ré-agissant à la confusion babélienne des langues de bois. Définissant, fascinant, métaphorique et ré-actionnaire, le bon mot déplace et enferme dans une nouvelle vérité. Il est cependant possible de sortir de l'enfermement rhétorique, en riant sans les loups. [...]
[...] Devant les deux portraits accrochés de riches négociants quêtant son approbation, un critique d'art lâche : " Mais où est le Sauveur ? " (puisque les deux larrons sont là). F. Goyet, qui considère que l'interprétation freudienne exploite insuffisamment la question politique et sociale sous-jacente, montre que l'événement survenant ici n'est pas tant le bon mot que le rire lui succédant, qui définit une nouvelle société, dont les deux larrons-parvenus sont exclus de fait. Le bon mot crée donc une " ligne de démarcation " qui pose un ordre social, jusque-là implicite, annulant une confusion antérieure. Partant de là, F. [...]
[...] Goyet met en pratique son éloge de la séduction et fait lui-même largement usage de procédés rhétoriques comme la métaphore, suggestive et omniprésente tout au long de l'ouvrage. Au point que l'auteur semble parfois laisser certaines formules guider son raisonnement. Ainsi par exemple, le sens caché " la bourgeoisie fait marcher l'économie sur le dos des travailleurs " que recèlerait la métaphore de L'Humanité " Dans Delebarre, il y a Barre ! " paraît peu accessible, que la métaphore soit obscure ou le raisonnement de l'auteur contestable. En outre, F. Goyet appuie son raisonnement sur des anecdotes souvent bien vieillies (T. [...]
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