Machiavel n'est pas étranger à ce qu'on a nommé après lui "machiavélisme". La situation du Prince nouveau le place en effet face à une double nécessité : il lui est nécessaire de prendre des décisions énergiques parfois contraires à la morale aussi bien que de dissimuler et de simuler. Cependant, il n'y a chez le prince aucun plaisir à faire souffrir, ni aucun désir de tromper pour tromper : comme sa valeur réside dans la maîtrise la plus grande possible de son comportement, le prince ne se sert de la violence et de la tromperie que comme des moyens pour parvenir à ses fins.
Il faut encore remarquer que le machiavélisme existait bien avant Machiavel. Pourtant, c'est justement ce point qui fait qu'on ne peut disculper Machiavel du machiavélisme : non seulement il décrit des comportements politiques machiavéliques ( ce que les philosophes grecs et les historiens romains ont fait bien avant lui), mais il en montre le bien-fondé dans certaines situations politiques et prescrit littéralement au prince de savoir être violent et dissimulateur. Pour être efficace, le prince ne doit pas être arrêté par des scrupules moraux.
[...] On pourrait dire qu'en politique, l'enfer est pavé de bonnes intentions ainsi la libéralité n'est pas seulement inutile, elle est dangereuse pour le libéral. Machiavel en produit la démonstration avec une grande rigueur : il n'y a pas de chose qui se consume davantage elle-même que la libéralité : à mesure que tu es uses, tu perds la faculté d'en user, et tu deviens ou bien pauvre et misérable, ou bien, pour échapper à la pauvreté, rapace et odieux. Et parmi toutes les choses dont doit se garder un prince, il y a le fait de devenir rapace et odieux ; or la libéralité le conduit à l'un et à l'autre. [...]
[...] Machiavel ne dit pas que la guerre est le contraire de la vie normale des hommes. D'une part, même dans le cas de situations politiques réussies, il y a toujours eu des guerres, c'est ce que montre l'exemple antique de Rome ; la valeur des hommes s'évalue donc à leur capacité de faire face à la guerre. D'autre part, la guerre est la continuation de la politique par d'autres moyens, comme le dira après Machiavel le théoricien allemand Clausewitz dans son ouvrage De la guerre : le prince habile utilise la guerre ou la menace de guerre comme un moyen politique efficace pour conserver son pouvoir et faire prospérer son pays. [...]
[...] Aussi, l'exemple qui vient sous la plume de Machiavel est celui d'un souverain pontife, le pape Alexandre VI, instigateur d'une diplomatie complexe, dont il nous dit par ailleurs qu'il sut mieux que quiconque relever le pouvoir de l'Eglise ( chapitre XI). Comme la majorité des hommes est incapable de tenir parole, la ruse est le moyen le plus adapté à la réalité de la politique ; et comme ses adversaires sont eux-mêmes prêts à n'importe quel mensonge pour prendre le pouvoir, elle ouvre pour le prince la seule bonne perspective à adopter dans ses rapports avec eux. Ce n'est donc que sous l'angle de la tromperie que les rapports entre des rivaux politiques peuvent se comprendre. [...]
[...] Les différents types de principautés L'ouvrage débute par la typologie des Etats, qui constitue toute la première partie. L'auteur entreprend de classer les principautés ; le titre original du Prince est d'ailleurs De Principatibus , Traité des Principautés. Il s'agit de présenter au lecteur un classement raisonné des situations de prise de pouvoir, afin de dégager, par une méthode de simplification progressive, les éléments les plus importants de la logique du pouvoir. Machiavel commence par distinguer principauté et république ; c'est-à-dire entre forme politique où le gouvernement est aux mains d'un seul homme et forme politique où il est soumis à la discussion de plusieurs. [...]
[...] L'a-t-on conquis grâce à sa valeur personnelle, par le moyen de scélératesse, à cause de la chance, ou bien grâce aux armées d'un ami puissant ( chapitres VI, VII et VIII) ? Machiavel isole le cas de la principauté nouvelle acquise par les armes comme le cas paradigmatique du geste politique ; dans cette configuration, une fois arrivé au pouvoir, le plus difficile est d'y demeurer. Théorisant l'accession d'un prince au pouvoir, le livre incarne la situation politique nouvelle que connaît la Renaissance, lors du recul de la légitimité féodale médiévale, à savoir lorsque ce qui posait problème était aussi bien la prise du pouvoir que sa transmission héréditaire. [...]
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