L'une des questions les plus difficiles que la philosophie politique d'aujourd'hui cherche à résoudre est celle du fondement des droits que tous les individus peuvent invoquer pour empêcher certaines décisions de la volonté collective et limiter ainsi la compétence des institutions politiques. Sur quoi doit-on se baser pour délimiter un domaine de droits réservés et privés qui soient intouchables ou presque par la puissance publique ?
Bruce Ackerman, né en 1943, est professeur de droit et de science politique depuis 1987 à la célèbre université de Yale, l'une des plus prestigieuses Law School américaines, qui possède une renommée mondiale. Il est l'auteur de quinze livres et de plus de quatre-vingts articles qui ont eu une large influence dans des domaines aussi variés que le droit constitutionnel, la philosophie politique, la politique comparée, l'histoire constitutionnelle américaine ou encore la justice sociale, ce qui fait aujourd'hui de lui l'un des juristes les plus cités aux Etats-Unis. Diplômé de l'université de Harvard (en 1964) et de celle de Yale (en 1967), il est considéré comme l'un des plus grands spécialistes du droit constitutionnel américain.
[...] Aujourd'hui, elle rassemble plutôt des intérêts locaux. Le Sénat à l'inverse était censé représenter les intérêts locaux des Etats, il est aujourd'hui devenu un lieu de réflexion nationale. Quant au président, qui devait être l'arbitre entre les deux chambres du Congrès, il est devenu le tremplin d'où part le vainqueur (lui-même) pour essayer de persuader le Congrès d'apporter son soutien, grâce à une législation adéquate, au mandat que les électeurs lui ont donné (p.105). Mais l'idée est toujours que ces trois approches de la représentation politique permettent de représenter la volonté du peuple quand ces trois instances se mettent d'accord, mais aussi d'empêcher de lui nuire en cas de désaccord. [...]
[...] La séparation des pouvoirs impose donc dans certains cas majeurs l'intervention directe du peuple dans le débat politique. Certaines réformes fondamentales ne peuvent se faire si le peuple ne manifeste pas clairement son accord, sa préférence. Même si l'ensemble du corps politique s'accorde pour introduire des réformes de fond, il se heurtera encore à la Cour suprême, chargée de veiller à ce que la législation ordinaire reste en conformité avec la Constitution, dont l'interprétation a été affirmée lors du dernier épisode révolutionnaire où le peuple s'est exprimé par lui- même. [...]
[...] Ce fut le premier mouvement de ce type. Les Républicains de la Reconstruction ont eux plus tard aussi élaboré un nouveau système de révision constitutionnelle, plus fédéraliste encore que le précédent, en transposant la procédure d'amendement au niveau national. En outre, ils ont conféré des responsabilités plus grandes à la nation en accroissant le pouvoir des institutions fédérales en plus du pouvoir du Congrès. Ils ont donc non seulement, du point de vue du contenu, introduit de nouveaux principes dans la loi suprême, mais ils ont également revu jusqu'au processus même d'élaboration de la loi suprême. [...]
[...] Bien qu'il ne soit pas déclaré explicitement dans la Constitution américaine, le dualisme que nous décrit Ackerman a été pratiqué par les pères fondateurs voilà plus de deux siècles, puis par les hommes politiques américains des générations suivantes et par les juges de la Cour suprême. En jetant un regard nouveau sur l'histoire constitutionnelle américaine, Ackerman a réussi à dégager cette nouvelle théorie afin d'éclairer la démocratie américaine et ses fondements sous un nouveau jour, et ceci dans de nombreux autres domaines que le droit constitutionnel, comme la philosophie politique ou la politique elle-même. [...]
[...] C'est une pensée étrangère (inspirée des théories philosophiques de Locke ou Kant) qui ne correspond pas à la réalité de l'histoire constitutionnelle américaine. Bruce Ackerman ne voit cependant pas ces deux courants comme étant radicalement opposés. Pour lui, l'activité législative ordinaire exercée par le Congrès et la protection judiciaire des droits constitutionnels exercée par la Cour Suprême ne sont que deux pratiques partielles de la démocratie constitutionnelle américaine, chacune étant insuffisante à elle seule pour décrire le système dans son ensemble, et sont en vérité englobées dans une pratique plus large que l'auteur nomme la démocratie dualiste. [...]
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