L'objet du livre est la « liberté civile ou sociale : la nature et les limites du pouvoir qui peut être légitimement exercé par la société sur l'individu ». Le conflit entre la liberté et l'autorité est récurrent dans l'histoire, le gouvernement étant d'abord vu comme dangereux et oppressif, bien que nécessaire. La liberté équivaut alors à la limitation du pouvoir du souverain, par la reconnaissance du droit et de règles constitutionnels. La liberté est ensuite assimilée à la représentation, au pouvoir temporaire et délégué du gouvernement. Puis, on tend à assimiler les gouvernants à la nation, rendant superflue la limitation des pouvoirs, qui sont ceux de la nation. « L'idée que les peuples n'ont pas besoin de limiter leur pouvoir sur eux-mêmes pouvait paraître axiomatique quand le gouvernement démocratique n'était qu'un rêve ». Mais avec la Révolution française, on a pu se rendre compte que la majorité, ou la minorité capable de mouvoir la majorité du peuple pouvait désirer opprimer une partie du peuple, qui doit donc être protégé de cet abus, appelé couramment « tyrannie de majorité ». On conçoit souvent celle-ci comme émanant de l'autorité, du gouvernement. Mais la société prise collectivement peut exercer une tyrannie bien pire sur les individus qui la composent, celle de l'opinion dominante, des pratiques, des règles de conduite communément acceptées, qui désire façonner des caractères lui ressemblant. On doit mettre une limitation à cette tendance, et surtout, savoir où la placer, que ce soit par la loi ou l'opinion.
[...] En ce qui concerne la morale chrétienne, elle est aussi partiale, incapable d'atteindre toute la vérité. Ainsi, il faut protester contre la prétention exclusive d'une partie de la vérité à en être le tout Récapitulation des cinq raisons de défendre la liberté d'expression et de pensée: on peut nier une opinion vraie en pensant être infaillible; même une opinion fausse peut contenir une part de vérité, nécessaire pour parvenir à la vérité complète; une vérité non contredite ne sera acceptée que comme préjugé, sans compréhension; le sens de la doctrine sera affaibli, privé de ses conséquences vitales sur le caractère et la conduite ce dogme occupera dès lors le terrain, empêchant toute conviction réelle et sincère (P81). [...]
[...] Quand ce tort est purement contingent ou indirect, il ne doit pas être puni. La société ayant l'éducation des enfants à sa disposition, c'est elle qui doit être blâmée de la bêtise des adultes. Elle dispose également de l'ascendant de l'opinion, elle ne doit donc pas rajouter à cela la force dans le domaine des intérêts personnels des individus Surtout, dans le domaine des conduites, l'intervention du public risque d'être mal à propos, car on veut souvent imposer ses propres préférences, ressentant comme un outrage les conduites qui en diffèrent. [...]
[...] Ainsi, quand le joug de l'autorité est brisé (réforme, seconde moitié du XVIIIe, romantisme allemand, le progrès intellectuel se produit. Deuxième branche de l'hypothèse: les opinions reçues sont vraies. Comment pourront-elles être soutenues si elles ne sont pas débattues? Si elle n'est pas discutée entièrement, fréquemment, et hardiment, elle sera admise comme un dogme mort, et non pas comme une vérité vivante Quand une opinion est possédée par préjugé, sans raison pour la soutenir, elle s'effondre à la moindre objection. [...]
[...] De la liberté de pensée et de discussion La liberté de la presse par rapport au gouvernement est aujourd'hui acquise, sauf quand c'est au mur de l'opinion qu'elle se confronte. Mais celle-ci n'est pas légitime, n'a pas le droit d'attenter à cette liberté. C'est voler le genre humain car soit on détruit une vérité, soit on perd une occasion d'exposer l'erreur. Ainsi, on n'est jamais sûr de la vérité ou de la fausseté d'une opinion. Personne n'est infaillible, même si les hommes croient souvent aveuglément à ce que leur enseignent leur entourage, leur époque, leur culture, ignorant la diversité des situations. [...]
[...] On pourrait objecter que la faillibilité ne peut interdire de se servir de son jugement, et d'ainsi négliger nos devoirs. Les erreurs passées ne doivent pas paralyser l'action présente, par peur de se tromper à nouveau. Nous pouvons et devons supposer une opinion vraie pour diriger notre propre conduite Mais il y a une extrême différence entre supposer une opinion vraie parce que, malgré toutes les occasions de la contester, elle n'a pas été réfutée, et présupposer sa vérité pour ne pas permettre sa réfutation. [...]
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