Si l'auteur de La vie de Jésus et de la Réforme intellectuelle et morale n'est pas vraiment un penseur du politique, Renan est un historien, un écrivain et un philosophe français qui dispose d'une influence majeure dans la pensée du XIXe siècle. Alors que son œuvre est d'une rare complexité, il est souvent étudié sous l'angle de ses idées anti-démocratiques, et trop régulièrement assimilé à des convictions conservatrices ou réactionnaires. Au moment où il profère sa conférence, il semble porté par la vague du succès personnel, puisqu'il devient membre de l'Académie française en 1878. Renan souhaite par conséquent s'inscrire dans un cheminement didactique pour exposer sa conception de la Nation, plus de dix ans après la défaite contre la Prusse et l'annexion de l'Alsace et d'une partie de la Lorraine. En effet, le traumatisme causé par cette désillusion est encore très vif dans les esprits, notamment pour les intellectuels. Frappé par la déroute française, qu'il considère morale et intellectuelle, Renan, comme beaucoup d'autres auteurs, va penser la défaite autour de cette question cruciale : Comment être fier d'être français après une telle débâcle ? Comment fonder l'identité nationale de manière cohérente ? Au cœur des lois Ferry de 1881 sur la laïcisation, la gratuité et le caractère obligatoire de l'enseignement, l'esprit de « revanche » et de fierté nationale est d'une actualité très vive pour l'école. Il s'agit donc à travers cette conférence profondément lyrique de véhiculer une certaine vision de la Nation, en étant non seulement explicatif, mais aussi convaincant. Effectivement, après avoir rejeté de nombreuses fausses certitudes, il livre ce qu'est pour lui le terreau de l'identité nationale, autour des notions d'«âme » et de « principe spirituel ».
Dans quelle mesure ce texte de Renan permet-il de mettre en exergue l'aspect spirituel et émancipateur de la Nation ?
[...] Néanmoins, est-ce à dire que ce texte est univoque et pertinent (III) ? La définition métaphysique de la Nation La Nation ou l'héritage d'un glorieux passé En affirmant d'emblée que la Nation est une âme, un principe spirituel Ernest Renan met en avant deux facteurs nécessaires pour constituer une Nation : un héritage partagé par tous qu'il faut défendre, ce qui est l'« âme ainsi qu'une volonté de poursuivre l'œuvre entreprise, ce qui constitue le principe spirituel Renan sacralise abondamment un passé glorieux avec un champ lexical mélioratif : riche legs de souvenirs l.4, Un passé héroïque, des grands hommes, de la Gloire l.9, des gloires communes dans le passé l.11. [...]
[...] Philippe Forest. [...]
[...] Renan désire écarter les conceptions matérielles de la Nation et replacer les principes spirituels au cœur des identités nationales. Même si sa définition n'est pas une innovation, elle veut réconcilier l'homme avec lui même, avec sa volonté, avec son dessein moral qu'il ne peut accomplir qu'avec la Nation. Toutefois, gardons-nous d'idéaliser le texte de Renan. Derrière sa simplicité et son authenticité apparentes se cachent des ambiguïtés non négligeables. La définition n'est pas exempte de tout reproche, et l'aspect politique du texte pourrait biaiser la démarche de l'écrivain. [...]
[...] "Qu'est-ce qu'une nation?" d'Ernest Renan A propos du temps, Saint Augustin disait Qu'est-ce que le temps ? Si personne ne me le demande, je le sais. Si je veux l'expliquer à qui me le demande, je ne le sais plus. N'en va t'il pas de même lorsque l'on se hasarde à définir ce concept vague et abstrait qu'est la Nation ? Le document qui nous est présenté ambitionne de résoudre la question de la définition de la Nation. Il s'agit d'un extrait de la conférence tenue à l'université de la Sorbonne par Ernest Renan, le 11 mars 1882. [...]
[...] Pour Renan, la Nation demande qu'on l'entretienne continuellement, par la volonté des individus. Pour pouvoir exister, elle doit s'affirmer perpétuellement. Ne pourrait-on pas y voir à travers cette réciprocité, ce consentement, un héritage de la modernité et des philosophies du contrat ? Le vocabulaire employé dans le texte permet de se poser la question. Renan, pionnier de cette définition ? A bien des égards, il ne faudrait pas trop exagérer l'originalité de Renan. En effet, lorsqu'il affirme la primauté du principe de volonté et de consentement dans l'élaboration d'une Nation, il reprend largement à son compte l'un des jalons constitutifs de la Révolution française. [...]
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