La Démocratie aux marges, David Graeber, essai philosophique, anarchisme, civilisation occidentale, anthropologie, démocratie athénienne, République romaine, idéal politique, fiche de lecture
David Graeber est un anthropologue né en 1962 et décédé en 2020, mais aussi un militant anarchiste, cause qu'il défend d'ailleurs au travers de ses ouvrages, dans le cadre de son métier. Dès l'enfance, son environnement n'a pu qu'influencer son orientation politique. Il est le fils de parents appartenant à la classe ouvrière, et à la pensée politique bien construite. En effet, ces intellectuels autodidactes sont, pour l'une, engagés dans le Syndicat international des travailleuses du vêtement autour de la revue de comédie musicale Pins and Needles dans les années 1930, et pour l'autre, membres de la Ligue des jeunes communistes, ayant participé à la guerre civile espagnole ainsi qu'à la révolution à Barcelone.
[...] Pourtant, la démocratie « s'identifie à l'autogouvernement des communautés humaines » (p42). De cette incompatibilité s'effondre la thèse de Lévy-Bruhl. On ne peut donc envisager le rapport entre l'Occident et la démocratie qu'en termes de « tradition littéraire et philosophique », pour reprendre le deuxième sens de la culture. Dès lors, la question de l'authenticité se pose, et Graeber exprime clairement un avis critique à son égard : « les traditions ne sont rien d'autre que le processus continu de leur propre fabrication » (p97). [...]
[...] Ainsi la lecture de ce livre est une leçon sur le plan des connaissances mais aussi sur celui de la méthode. En effet, comprendre que toute connaissance des sciences sociales n'est pas nécessairement vraie amène à prendre conscience d'un principe méthodologique central les concernant : le doute. Le doute cartésien, qui cherche à remettre en cause tout ce que l'on apprend, permet de se rapprocher de la vérité. Bien que j'aie intégré l'association entre démocratie et anarchisme, un point empêche cet ouvrage proanarchiste de délivrer toute sa puissance : aucune alternative à la démocratie représentative actuelle n'est présentée. [...]
[...] Si la démocratie n'est pas là où la « tradition occidentale » veut la situer, où émerge-t-elle alors ? C'est autour de cette question que l'anthropologue prouve sa thèse de départ. A. Deux éléments participent à l'invention de la « tradition occidentale ». La « récupération » est définie comme le processus par lequel « des idéaux et des institutions [ ] en viennent à être considérés comme résultant de la logique propre à la tradition intellectuelle elle-même » (p23). [...]
[...] L'analyse de David Graeber a su me convaincre, ce qui ne peut que m'étonner. En effet, ayant étudié la science politique et faisant partie de la culture française, j'ai débuté ma lecture avec, pour reprendre Durkheim, des prénotions. En effet, les sens premiers que le public donnerait aux mots « démocratie » et « anarchiste » ne correspondent, en général, pas aux définitions qu'en donne l'anthropologue. Alors que le premier terme renvoie à la démocratie représentative, le deuxième fait penser à la violence, le désordre. [...]
[...] Les partisans de la « théorie de l'influence » soutiennent que les Iroquois auraient inspiré certaines valeurs ainsi que la Constitution des États-Unis. Mais la méthode des historiens a pour conséquence d'expulser cette théorie qui a pourtant de grandes chances d'être réelle. La « refondation démocratique », quant à elle, illustre le phénomène par lequel des « intellectuels ou hommes politiques [ ] interrogent leur propre tradition [ ] pour en extraire des exemples de pratiques démocratiques afin de démontrer qu'elle contient des germes précieux de démocratie » (p23). On notera que ces deux éléments sont inhérents à toutes sociétés. [...]
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