Hannah Arendt, Condition de l'homme moderne, appartenance au monde, vita activa, vita contemplativa, homo faber, animal laborans, aliénation
Arendt pense l'Homme dans une relation d'appartenance avec le monde qui l'entoure. En effet, l'Homme fait partie intégrante du monde et a la possibilité d'entamer de nouveaux processus pour le modifier. Le monde est donc présenté comme l'environnement, le milieu dans lequel les Hommes naissent, vivent, et agissent. Si le monde correspond à la Terre en tant que milieu naturel de l'existence humaine, il est également défini comme un monde artificiel dans lequel les Hommes interagissent (lieu des relations humaines) et produisent, fabriquent des objets. Dans cette conception, l'Homme existe sous la forme d'une pluralité d'individus distincts : ce n'est pas l'Homme, mais les Hommes qui peuplent le monde et c'est cette pluralité des points de vue qui est constitutive de la réalité du monde.
[...] Dès lors, il n'y a plus aucune raison d'agir dans le monde, de prendre des initiatives. Hannah Arendt met en évidence l'influence décisive du christianisme et de la notion de "vie éternelle" qui conféra à la vie humaine une importance et une dignité qu'elle n'eut jamais auparavant La société moderne a globalement perdu la foi en la vie éternelle, mais a conservé la foi en la vie, mais une vie désormais coupée de toute considération transcendantale (religieuse ou autre) et donc d'une vie qui se su?t à elle-même et d'où la dimension de l'action (réservée à une poignée de savants), de la parole et de l'?uvre (réservée à une poignée d'artistes) tend à disparaître au profit d'une sorte de survie. [...]
[...] L'aliénation de l'homme moderne par rapport au monde et à la Terre (concept de double aliénation de l'homme moderne) Si l'appartenance au monde se présente à travers la capacité à fonder un monde commun et à y intégrer de nouveaux acteurs à même d'en changer la structure, la société contemporaine apparaît marquée par une incapacité à se renouveler. L'aliénation de l'homme par rapport au monde doit être compris comme un « détachement du monde ». En effet, le processus d'aliénation qui, selon Arendt, caractérise la société moderne entraine la perte de sens commun. [...]
[...] P.475 « Parmi les activités de la vita activa, les premières à s'emparer de la place jadis occupée par la contemplation furent celles du faire et de la fabrication, prérogatives de l'homo faber. Ce n'est pas seulement la contribution obligatoire de l'homo faber à l'acquisition du savoir qui firent monter ces activités autrefois si humbles jusqu'au sommet de la hiérarchie des possibilités humaines. » P.493 « Ce qui a changé la mentalité de l'homo faber, c'est la position centrale du concept de processus. [...]
[...] Sans autrui, autrement dit sans discussion, l'aliénation par rapport au monde est totale, le monde devient absurde, vide de signification. p.477 La nature, n'étant connaissable que dans les processus que l'habileté humaine, l'ingéniosité de l'homo faber, pouvait répéter et reproduire dans l'expérimentation, devint un processus, et aucun des objets de la nature n'eut de signification qu'il tirait de ses fonctions dans le processus d'ensemble. À la place du concept d'Être nous trouvons maintenant le concept de processus. » p.493 « Pour la mentalité de l'homme moderne, telle qu'elle a été déterminée par le développement de la science et l'évolution connexe de la philosophie, un autre changement devait être au moins aussi décisif : c'est que l'homme a commencé à se considérer comme une partie intégrante des deux processus surhumains, universels, de la Nature et de l'Histoire, condamnés l'un et l'autre à progresser indéfiniment sans jamais atteindre de telos inhérent, sans jamais approcher l'idée préétablie ». [...]
[...] La pensée, autrefois servante de la contemplation, devient servante de l'expérimentation Toutefois, ce renversement est, selon Hannah Arendt, préoccupant dans la mesure où science ne cherche plus à comprendre le « pourquoi », elle cherche l'e?cacité du « comment ». Aucune vérité ne subsiste, et c'est donc la vita contemplativa elle-même qui disparaît, c'est-à-dire que la pensée n'est plus perçue comme une manière d'atteindre l'éternité. P.467 « Parmi les conséquences spirituelles des découvertes de l'époque moderne, la plus grave, peut-être, et en même temps la seule qui fût inévitable puisqu'elle suivit de près la découverte du point d'appui d'Archimède et l'apparition connexe du doute cartésien, a été l'inversion des rangs de la vita contemplativa et de la vita activa dans l'ordre hiérarchique. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture