Le cadre national est désormais inadapté pour répondre aux aspirations sociales dans un contexte de concurrence mondialisée. Deux phénomènes illustrent cette crise que traverse l'État-nation depuis plusieurs décennies. Premièrement, les instances supranationales, dont les décisions sont perçues comme émanant des technocrates, sont contestées, leurs choix sont vus comme étant des solutions néo-libérales, étrangères au domaine du social. Ensuite, la solidarité qui s'exprimait jusque-là surtout dans un cadre national est fortement dépréciée.
L'État Nation est menacé de deux façons, d'une part par des institutions supranationales peu légitimes et peu démocratiques, d'autre part par des mouvements infranationaux souhaitant mettre un terme à des solidarités nationales jugées peu justifiées. L'accent est moins mis sur les risques d'implosion de l'État nation que sur une recherche de dépassement nécessaire du contexte de l'État nation afin de répondre à un niveau supra-étatique aux enjeux de la mondialisation et aux aspirations sociales.
Cet ouvrage s'inscrit indéniablement dans la continuité de la réflexion de Habermas, puisque le fil conducteur de l'ensemble de son oeuvre est l'interrogation sur les conditions dans lesquelles la démocratie est possible. En effet depuis son premier ouvrage L'espace public, Habermas développe une réflexion sur les conditions d'établissement et d'extension de la Démocratie.
Celle-ci est faite de continuités et de ruptures, elle revêt une dimension évolutive, encouragée dans nombre de ses ouvrages par le regroupement de recueils de conférences et d'articles antérieurement publiés. Après l'État nation n'échappe pas à cette tradition, quasiment inexistante en France, qui par la révision ou la précision apportée à des propos antérieurs permet de stimuler le débat intellectuel.
[...] Cette perte de l'autonomie de l'État nation dans les politiques économiques se solde par un coût social très élevé. La destruction des conditions sociales qui avait été mise en place grâce à l'État social entraîne une perte de crédibilité des décisions démocratiques car la participation politique souffre d'un manque d'intérêt certain. Le sentiment qu'il est désormais impossible de réaliser la quadrature du cercle consistant en la conciliation de la prospérité, la cohésion sociale et la liberté politique, crée un certain consensus. [...]
[...] Dans le cadre de cette querelle Habermas ne voit pas la constitution d'un État européen fédéral, sur le modèle de l'État fédéral national, comme étant souhaitable, puisque celui ci impliquerait un nivelage des identités nationales. Il prône une nouvelle fois la coordination des politiques, ayant des effets sur la redistribution, et nécessitant l'émergence d'une solidarité à la base. Cela passe par le développement d'une pratique commune de formation de l'opinion et de la volonté, nourrie aux racines d'une société européenne de citoyens et développée dans une arène européenne. [...]
[...] Maintenir une définition positive de la démocratie est devenu un problème de tout premier ordre dans le souci de répondre à la globalisation économique. Seul le lien politique partagé par les individus peut être apte à recréer une solidarité qui puisse pérenniser la lutte contre les inégalités et contribuer à satisfaire l'exigence de justice sociale. C'est en cela que la démarche de Habermas revêt tout son intérêt, plutôt que de tenir le modèle démocratique pour dépasser, il cherche à l'adapter à un contexte supranational. [...]
[...] C'est pour cela qu'il porte son intérêt sur l'Europe : Il leur faut créer cet espace européen de façon programmatique, en poursuivant un double but : créer une Europe sociale, et faire en sorte qu'elle jette tout son poids dans la balance du cosmopolitisme. Pour Habermas il n'est plus possible d'entreprendre de réformes ambitieuses, dans l'optique d'une mutation de la société dans le sens d'une justice sociale accrue, à l'intérieur des frontières d'un seul pays. C'est pourquoi il porte son regard vers l'Union Européenne comme solution pour combler les compétences réduites des États nations, l'aboutissement de ce raisonnement résidant dans le fait de savoir s'il est possible d'établir des identités collectives au delà du cadre national qui soient aptes à satisfaire aux conditions de légitimité d'une démocratie postnationale. [...]
[...] Avant de comprendre la logique qui a abouti à une tentative de dépassement de l'État Nation, il convient de reprendre les principaux traits de cette constellation nationale rappelés par Habermas, constellation historique qui fixe le cadre dans lequel s'est développé le processus démocratique. Une telle constellation est le fruit d'une lente évolution. L'État moderne s'est avant tout réalisé sous la forme d'un État administratif et fiscal, le premier aspect rappelant l'idée de la prise de décisions au nom de la collectivité par une spécialisation fonctionnelle, le second permettant le financement des fonctions administratives. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture