Peut-on concevoir que la morale soit exclue du politique ? Tout d'abord, il semble que, dans sa mise en pratique, le politique ne laisse pas de place à la morale à proprement parler. Une réflexion plus précise tend à faire penser que le politique n'est pas immoral ou amoral, mais plutôt qu'il n'est pas moral en soi. Ainsi, on pourra mettre en avant les modes de déploiement du politique qui peuvent lui conférer une moralité.
[...] La premier critère de respect de la morale reste la légitimité du politique ; or, un régime à tendance autoritaire librement consenti est bien plus légitime qu'une démocratie coupée du peuple et imposée à lui En général, parler de la morale du politique, c'est faire un procès d'intention : soit la forme du corps politique en question correspond à mes sentiments et à mon sens moral personnels, auquel cas je serais plus tenté de considérer ce système politique comme moral Soit sa forme ne correspond pas à mes critères, et je peux me montrer très sévère. Il y a donc une morale du politique, mais ce n'est qu'une morale de la forme du politique. Morale et politique sont deux ensembles proches mais qui ne se pénètrent pas. [...]
[...] Si on prend une définition plus restrictive de la morale, en supprimant le rapport au bien et au mal, et en en faisant le pont de fuite du politique, alors la morale du politique c'est le droit. Ce n'est pas là un retour à l'impasse kelsenienne, car il n'est pas nécessaire de faire appel au droit naturel. C'est le droit positif qui sert de référence, qui offre les cadres et les règles nécessaires, bref c'est lui qui sert de système de référence à l'action politique. L'opposition entre justice et droit, ou encore le dilemme droit naturel/droit positif n'ont plus de sens. [...]
[...] Y'a-t-il une morale du politique ? Certains auteurs ont essayé d'en dégager une, comme l'a fait Julien Freund. Cependant, on ne peut pas vraiment parler de morale, et il semble plutôt qu'il y ait une déontologie du politique. Quoiqu'il en soit, en politique, la morale semble condamnée à laisser place à la moralité. Dans Qu'est-ce que la politique Julien Freund tente de fonder une morale du politique. Pour cela, il prend à rebours l'argumentaire développé par Kelsen dans Théorie pure du droit. [...]
[...] Tout cela ayant été dit, on peut se risquer à avancer une proposition de morale du politique. Cette morale serait le droit à l'erreur. Le politique st un organisme, un être, une institution créée par l'homme et gérée par lui. L'erreur y est donc inévitable. Chercher à supprimer l'erreur, ce serait faire appel à quelque chose qui dépasse l'homme et qui puisse prétendre à la perfection : Dieu, la Science Mais en ce cas, on ne parle plus de politique : on parle de religion, d'idéologie Bref, le politique n'est pas forcément méritocratique. [...]
[...] Conclusion La morale du politique existe. Elle n'est pas dans le politique lui- même : malgré sa capacité à être honnête et juste, le politique n'est pas moral en soi. Cependant, le mode d'être du politique, son déploiement, peuvent être moraux : il suffit pour cela d'admettre que malgré les inégalités naturelles, économiques et sociales, le droit à l'erreur est fondamental. Concept politique essentiel, le droit à l'erreur, non pas en vue du pardon, mais bel et bien considéré en tant que tel, est aussi important ontologiquement que pédagogiquement. [...]
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