La formulation même de cette question traduit déjà une ambiguïté. En effet, l'utilisation du pronom possessif « nos » témoigne de la relation de possession entre l'homme et ses vertus, c'est-à-dire les qualités qui font la valeur de l'homme moral ainsi que sa disposition à accomplir des actes moraux par un effort de volonté émanant de lui-même, et par extension, ses idées, ses valeurs et ses goûts. La question sous-entend un homme vivant dans une société, un Etat, soit une communauté politique possédant un minimum d'autonomie. Selon Aristote, cette cité est nécessaire aux hommes pour bien vivre, ce qui traduit déjà son importance. Ainsi, l'homme peut être pensé comme un microcosme au sein d'un macrocosme, et de ce fait, comme une entité qui en a créé une autre, mais qui reste cependant liée constamment avec elle. Cependant, laquelle de ces entités a l'ascendant sur l'autre ?
[...] Dans ce cas, cela sous-entend que les hommes d'une société doivent être davantage tournés vers leur état, leur société que vers eux-mêmes, car ce sont les institutions qui savent ce qui est bon pour l'homme. Il faut donc constamment orienter les vertus vers l'état, afin d'aboutir à une même vertu pour tous. Mais alors, quelle place tient la vertu ? En effet, les institutions institutionnalisent le modèle à suivre, ne permettant plus alors aux vertus de se développer de façon individuelle. C'est ce que sous-entend le rôle de l'éducation. En effet, la famille est en quelque sorte la première institution de la cité. [...]
[...] En effet, la vertu dépend de nos agissements, de nos actes et de nos bonnes dispositions. L'expérience apparaît donc comme un moyen de l'acquisition de la vertu qui relève d'un choix : être vertueux ou non. Elle permet d'affirmer que nos vertus procèdent de nous même, puisqu'on fait le choix ou non de s'orienter vers le bien et à l'issue de l'expérience tout le monde ne prend pas les mêmes décisions. L'étymologie même du mot vertu, virtus en latin, contient le mot homme, révélant ainsi que l'homme dispose de ses vertus dès qu'il est homme mais qu'il doit les mettre en pratique, les orienter vers ce qui est bon pour lui et pour les autres. [...]
[...] Ceci fait dire à Aristote que l'homme est animal politique, puisque la nature de l'homme ne se réalise que dans la cité et que c'est dans l'association humaine que l'homme trouve son accomplissement. D'après cette théorie, l'homme ne peut se suffire à lui-même, la société lui devient nécessaire. Cette vision implique donc le fait que si l'homme ne peut s'épanouir en dehors de la société, ses vertus non plus. Tout comme l'homme, les vertus ont besoin de la société. Peut-on dire pour autant que c'est la société qui fait l'homme et qui par là même, conditionne ses vertus ? [...]
[...] L'individu et ses vertus sont-ils le produit d'une société ? Il est possible de dire qu'en réalité aucune idée ne relève vraiment de nous même, puisque comme nous l'avons vu précédemment nous sommes toujours influencés par quelqu'un ou quelque chose, parce que l'individu est compris dans une sphère plus grande que lui. Chaque idée s'inspire de ce qui s'est passé avant ou même de souvenirs inconscients. Ainsi la société actuelle n'est que le maillon d'une longue chaîne et tout choix que l'on croit subjectif s'insère en réalité dans un mouvement qui nous échappe. [...]
[...] Ainsi cette question ; nos vertus procèdent-elles de nous-mêmes ou des institutions de la cité, se révèle être une sorte de dynamique en cercle, puisque l'homme a créé les institutions et s'y soumet. Pour que les hommes soient vertueux, ils créent des institutions vertueuses, ce qui atteste déjà que l'homme possède à la base ses propres vertus. Cependant l'homme ne peut être compris qu'au sein d'une société qui va en quelque sorte le conditionner. D'où ce paradoxe : à la fois les vertus de l'homme lui appartiennent et lui sont propres puisqu'il existe en tant qu'individu, mais en même temps les institutions orientent ces mêmes vertus et interfèrent dans leur évolution. [...]
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