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« Il est nécessaire [pour un prince] d'avoir l'amitié du peuple : autrement il n'a, dans l'adversité, point de remède », déclare Nicolas Machiavel le livre IX du Prince, écrit en 1513.
Ce « traité », selon le terme employé par l'auteur, a été écrit dans un but purement pratique qu'il décrit explicitement dans une lettre datée du 10 Décembre 1513 à son éminent ami Francesco Vettori. Il souhaite retrouver un emploi digne du passé, désormais auprès du nouveau souverain florentin, Laurent de Médicis. Dans cette vue, en utilisant sa culture et son expérience, il avait recherché quelle est l'essence des principautés ; de combien de sortes il en existe ; comment on les acquiert ; comment on les maintient et pourquoi on les perd. C'est des trois dernières notions dont il sera question ici d'explorer à travers cet extrait du livre IX du Prince. Ce moment machiavélien renvoie non seulement à un temps et à un lieu - celui de l'humanisme civique à Florence - mais aussi à un contexte. Celui des guerres entre les cités italiennes qui s'achèvent au milieu du XVème siècle, de la mainmise française sur l'Italie qui forme le royaume italien en champ de bataille pendant près de 30 ans, et surtout de l'intervention constante des papes dans les affaires séculières. Le Prince offre une réflexion sur le pouvoir et la vie politique et plaide pour l'autonomie du politique par rapport à la religion.
Dans cet extrait du livre IX, il est question de la souveraineté. Dans l'histoire de l'origine du principe de la souveraineté, Machiavel est le premier. Pourtant, il ne développe pas explicitement une théorie de la souveraineté, il la rend possible. Il n'emploie d'ailleurs jamais le mot de souveraineté dans ses écrits, à peine y fait-il allusion dans sa lettre à son ami Vettori. A l'origine de la souveraineté, il y a donc pour ainsi dire une absence paradoxale : le concept lui-même.
C'est par ses écrits, que Machiavel fait oeuvre de rupture : il déchire une tradition. La rupture machiavélienne est double : elle liquide un passé philosophique et réfléchit la politique elle-même comme rupture. Machiavel veut rompre avec le passé de cette pensée et réfléchir sur la politique comme action fondatrice d'un nouvel ordre des choses. Il y a ici une double négation du passé épistémologique et pratique. Le Prince est un petit livre d'une grande fondation, qui ouvre le territoire de la modernité politique comme territoire de la souveraineté. L'idée maîtresse de l'oeuvre du maître florentin, est que la politique est une affaire humaine, rien qu'humaine et trop peu qu'humaine souvent. Machiavel pense la politique « pour la faire ». La souveraineté représente donc ici l'autonomie absolue de la politique. C'est premièrement le principe d'autonomie. Une politique qui sera celle des temps nouveaux qui n'est fondée ni en Dieu ni en nature, parce qu'elle est seulement humaine.
Dans un premier temps, l'on verra la rupture majeure dans la pensée du politique qu'a effectué Machiavel (I). Dans un second temps, l'on étudiera la pérennisation de l'autorité souveraine préconisée par l'auteur (II).
[...] Bibliographie CHEVALLIER, Jean-Jacques, Histoire de la pensée politique, Paris, Ed. Payot LEFORT, Claude, Le travail de l'œuvre de Machiavel, Paris, Gallimard MACHIAVEL, Nicolas, Le Prince, Paris, GF Flammarion MAIRET, Gérard, Le principe de souveraineté : histoire et fondements du pouvoir moderne, Paris, Gallimard PICQ, Jean, Histoire et droit des Etats : la souveraineté dans le temps et dans l'espace européens, Paris, Presses de Sciences Po PICQ, Jean, Une Histoire de l'Etat en Europe, Paris, Presses de Sciences Po POCOCK, J.G.A, Le moment machiavélien, Paris, PUF SKINNER, Quentin, Les fondements de la pensée politique moderne, Paris, Albin Michel STRAUSS, Léo, History of political philosophy, Chicago, University of Chicago Press STRAUSS, Léo, Pensées sur Machiavel, Paris, Payot, 1982. [...]
[...] Enfin, s'il est un facteur de la modernité de l'œuvre machiavélienne dans ce chapitre, c'est le concept de liberté politique qu'il semble amener. En effet, dans cet extrait l'auteur aborde le concept d'honnêteté puisque selon lui le vœu du peuple est plus honnête que celui des grands Il y a une définition de l'honnêteté par rapport au pouvoir et à l'amour qui en résulte. Tout d'abord, l'honnêteté est un moyen de renforcement des institutions de l'Etat et de la gloire du Prince. [...]
[...] La naissance du concept de souveraineté et de la modernité politique La souveraineté selon Machiavel (et Bodin) représente un principe moderne de la politique profane. La politique est le pouvoir, et le pouvoir c'est la souveraineté. La modernité c'est penser politique telle qu'elle est. Les anciens, eux, au contraire, pensent politique telle qu'elle devrait être. L'irruption de la pensée de la souveraineté est aussi l'irruption du peuple comme sujet politique nouveau. La pensée de Machiavel est novatrice par rapport à l'intérêt porté au peuple, et tout particulièrement dans ce chapitre. [...]
[...] De même, Machiavel identifie les ennemis du prince et en quelque sorte leur degré de danger immédiat pour son pouvoir. Des Grands en défaut naturel de courage sont utiles pour le prince dans la prospérité car ils sont de bons conseils et inoffensifs dans l'adversité, le Prince n'a rien à craindre d'eux. Le Prince doit se garder et craindre les Grands qui se lient à lui par calcul et raison d'ambition car dans l'adversité ils aideront à le ruiner Tels sont les conseils de Machiavel pour pérenniser la souveraineté, car l'Etat doit être pérenne. [...]
[...] Réflexions sur les moyens de conserver le pouvoir La souveraineté est certes immuable, mais elle s'incarne dans différents hommes selon les temps et endroits. Et selon Machiavel, il faut s'appuyer sur les qualités du souverain pour pérenniser la souveraineté. Telle que définie dans le Trésor de la Langue Française, la souveraineté signifie : Qualité, fonction de souverain, de monarque ; exercice du pouvoir par un souverain Machiavel énonce justement les moyens que le Prince doit paraître avoir et les artifices auxquels il doit recourir pour préserver sa souveraineté. [...]
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