Après avoir publié De Cive, première ébauche de sa philosophie politique, Thomas Hobbes fait paraître Léviathan ou Matière, forme et puissance de l'Etat Chrétien et civil en 1651. Il s'agit d'une remarquable tentative pour fonder, à partir d'une anthropologie mécaniste, une théorie politique rigoureuse. Ce texte fondateur jette les bases de la tradition politique moderne, à travers le mythe de la souveraineté, ou « droit de se gouverner soi-même ». Etant donné que les hommes à l'état naturel sont voués à la guerre, ils créent un « contrat social » et remettent leur souveraineté entre les mains d'un Etat puissant, afin de vivre en paix.
Hobbes n'est pas insensible aux troubles politiques qu traverse l'Angleterre, aggravés par des dissensions religieuses entre protestants et catholiques, protestants anglicans et puritains. Le XVIIe siècle, ou siècle de l'autorité, est tragique pour les rois absolus tels que Jacques Ier, qui fait publier l'Apologia pro juramento fideliatis dans lequel il exalte le droit divin des rois. Il souhaite gouverner sans Parlement et imposer l'anglicanisme. Si bien qu'en 1642, une guerre civile éclate et Hobbes s'exile en France. Charles Ier Stuart, qui prétendait mener la même politique que son père, est vaincu par l'armée parlementaire et se fait décapiter en 1649. Alors que Cromwell règne avec une main de fer sur l'Angleterre devenue République (Commonwealth), apparaît un livre étrange: le Léviathan, qui place devant les yeux des contemporains de l'auteur la relation mutuelle qui existe entre la protection et l'obéissance.
Hobbes serait venu prématurément au monde en raison de la frayeur éprouvée par sa mère, à la perspective du débarquement de l'Invincible Armada espagnole: d'où la force de la crainte de la mort violente et l'obsession de la sécurité dans sa philosophie politique. Bien que protégé par la famille Cavendish, celui qu'on surnomme «L'Athée » demeure dans une situation intellectuelle précaire. En effet, le roi Charles II fait saisir une nouvelle impression de l'édition anglaise du Léviathan en 1670.
Avec une rigueur déductive empruntée à la géométrie euclidienne, Hobbes analyse l'état de nature des hommes, êtres effrayés par l'exacerbation mortelle de leurs passions. Il se consacre ensuite à la définition de l'Etat-Léviathan, à l'origine un monstre biblique dont parle le livre de Job. Sur le frontispice du livre apparaît sa représentation; il est composé de petits individus agglomérés et tenant de la main droite un glaive, et de la main gauche une crosse épiscopale.
Le mythe de la souveraineté de Hobbes fait en effet référence à un individu ou une assemblée qui a pour tâche d'élaborer une loi commune à tous les hommes – suite à la création d'un pacte des individus entre eux- et à la faire appliquer. Désormais, la loi n'acquiert plus sa légitimité du droit divin mais de l'humanité. Cette conception inédite de la souveraineté mérite une attention particulière, depuis le passage de l'état de nature à l'Etat-Léviathan jusqu'à l'omnipotence du souverain.
[...] Voulant s'assurer une satisfaction permanente de ses désirs, il se heurte à l'Autre. Dans un monde d'hommes régis par leurs passions, il n'existe pas de propriété ni de sécurité, et la crainte d'une mort violente est omniprésente. Les lois de nature (lex naturalis) L'homme est doté d'une raison (calcul par l'addition et soustraction de conséquences), qui lui suggère d'adopter les lois de la nature (justice, équité, modération et pitié) et de façon générale faire aux autres ce que nous vondrions qu'on nous fît Ces lois, contraires aux passions naturelles, sont des articles de paix qui concernent ce qui conduit à la conservation et à la défense d'eux-mêmes Hobbes critique la philosophie aristotélicienne Contrairement à Aristote, Hobbes ne voit pas en l'homme une sociabilité instinctive. [...]
[...] La soumission totale au souverain deviendra bientôt inadmissible. Critique de Hannah Arendt L'absolutisme de Hobbes a été critiqué et sa doctrine interprétée comme préfigurant une forme d'État totalitaire. Hannah Arendt, dans la deuxième partie de son livre Des origines du totalitarisme cite Hobbes comme le philosophe du bourgeois, dans une société régie par la recherche effrénée de la richesse et le simple rapport de force. Pourtant, en donnant à l'État un fondement juridique, Hobbes peut être considéré en réalité comme un précurseur de ce qu'on appelle aujourd'hui l'État de droit. [...]
[...] CHEVALLIER, Y. GUCHET, Les grandes œuvres politiques de Machiavel à nos jours, Paris, A. Colin, 3e éd Y. GUCHET, Histoire des idées politiques, t.I De l'Antiquité à la Révolution, Paris, A.Colin Y. [...]
[...] La portée du hobbisme et ses limites De son temps jusqu'à aujourd'hui, l'œuvre subversive de Hobbes a suscité de nombreuses polémiques. Critique des rois absolutistes L'œuvre de Hobbes fait figure d'une apologie de l'autorité civile, ce qui indigne les tenants de la liberté politique, les Catholiques et les Protestants dissidents. Il indigne également les Stuarts, tenants de l'absolutisme royal et les évêques anglicans. En effet, bien qu'il soutenait l'absolutisme, il ne faisait aucune allusion au droit divin des rois mais le justifiait par des arguments rationnels et froidement utilitaires, en excluant toute religiosité et tout sentimentalisme. [...]
[...] Il rassemble toutes les volontés individuelles en une seule. Le transfert de souveraineté Les hommes naturels vont entrer dans un état politique en concluant un pacte entre eux, au profit d'un tiers qui est juridiquement une Personne unique comme s'ils se disaient: j'autorise cette Personne et je lui abandonne mon droit de me gouverner moi-même, à cette condition que tu lui abandonnes ton droit et que tu autorises toutes ses actions de la même manière La multitude des hommes est unie dans une et seule Personne (assemblée ou individu) qu'ils ont choisie et qui les représente tous, d'où le terme République d'institution. [...]
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