La souveraineté du pouvoir politique doit-elle être limitée ?

Résumé du document

La décision du conseil constitutionnel, " Liberté d'association ", du 16/07/71, intègre la déclaration des droits de l'homme et du citoyen au bloc de constitutionnalité. La souveraineté du pouvoir politique est désormais encadrée par le Conseil Constitutionnel qui, par la suite, n'a jamais hésité à censurer une loi jugée contraire à la Constitution. Cette limitation de la souveraineté du pouvoir politique heurte la conception de la souveraineté héritée de Rousseau et de la Révolution. En effet, la souveraineté est considérée comme une, indivisible, inaliénable, et absolue. Elle ne peut donc pas être limitée. Pour autant, cette conception de la souveraineté, si elle reste encore très prégnante aujourd'hui, peut-elle réellement garantir les citoyens contre la tyrannie ? Le passage de l'état de nature à la société civile implique que la souveraineté soit absolue pour garantir la sécurité des citoyens (I). Malgré tout, il semble impossible de garantir les citoyens contre toute forme de tyrannie sans à la fois, limiter la souveraineté et lui adjoindre des contre pouvoirs (II).

Extraits

[...] En effet, les citoyens souhaitent limiter la souveraineté du pouvoir politique pour éviter toute tyrannie. Toutefois, cela laisse une grande marge de manœuvre à la souveraineté qui, à l'intérieur de ces limites, reste une, indivisible et absolue (cf. constitution de 58). Finalement, si la souveraineté reste dans les objectifs qu'elle s'est fixée, elle reste absolue. Ce qui doit être limitée ce n'est donc pas tant la souveraineté en elle-même que la capacité du pouvoir politique d'utiliser la souveraineté pour ses propres fins. [...]

[...] Pour cela, il reprend la théorie de Hobbes sur le passage de l'état de nature à la société civile en la modifiant. Rousseau pense que les hommes ne peuvent survivre dans l'état de nature. Malgré tout, lorsqu'ils contractent, ils ne s'en remettent pas à un Léviathan, exclu du processus. Au contraire, les individus contractent tous entre eux, de telle sorte que chacun transférant à tous ses droits naturels, ne se soumet finalement à aucun. La souveraineté s'incarne alors dans la volonté générale. [...]

[...] Les citoyens transfèrent leur souveraineté au pouvoir politique en élisant des représentants révocables. Mais, Rousseau a bien souligné que tout système représentatif introduit une scission gouvernant- gouverné propice à la formation d'une élite tyrannique. Ce danger est d'autant plus intense que la passion pour l'égalité analysée par Tocqueville, et l'individualisme (grâce aux libertés conservées dans la sphère privée) amènent à un certain désintérêt face aux décisions prises dans la sphère publique. En effet, Tocqueville souligne tout d'abord le problème de la tyrannie de la majorité qui laisse l'individu seul et désarmé face à la souveraineté. [...]

[...] Toute limitation serait, en effet, un non-sens puisqu'il signifierait que les hommes ont conservé une partie de leurs droits naturels ce qui, comme le décrit Hobbes, mène à la guerre permanente. Pour éviter un tel retour à l'état de nature, les hommes doivent donc transférer tous leurs droits naturels au Léviathan. Ce transfert s'effectue vers la souveraineté nécessairement absolue. Ainsi, Hobbes va plus loin que Bodin puisqu'il considère que la souveraineté peut même aller jusqu'à limiter le droit de propriété. Ainsi, la souveraineté ne peut, ni ne doit, être limitée. [...]

[...] La souveraineté ne peut donc pas, par essence, être limitée. Pour autant, grâce à la volonté générale, Rousseau considère que cette souveraineté absolue garantit les citoyens contre toute tyrannie. En effet, chacun détient une parcelle de souveraineté qui exprime par la suite la volonté générale. Or, comment un homme pourrait-il être tyrannique envers lui-même ? La souveraineté ne peut mal faire, elle ne peut être tyrannique. Au contraire, les lumières des autres hommes sont la garantie de ma liberté. Si lors d'un vote je n'ai pas pensé comme la majorité, cela signifie, dans cette optique, que je me suis trompé. [...]