« La loi devrait être solennelle, brève et permanente. Elle est aujourd'hui bavarde, précaire et banalisée » déclarait Renaud Denoix de Saint Marc, vice-président du Conseil d'Etat le 21 janvier 2001 au Journal du Dimanche. Cette violente assertion dénonce la chute de l'autorité de la loi. Pourtant la loi est l'expression même du souverain puisqu'elle est votée au Parlement, par les représentants du peuple élus au suffrage universel. Elle apparait dès lors comme la figure allégorique du droit et de la démocratie et son autorité devrait être spontanément respectée. Fragiliser la loi revient à affaiblir l'ensemble de notre système juridique et normatif car remettre en cause son autorité revient à déposséder le souverain de la souveraineté. La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 définit la Loi comme « l'expression de la volonté générale » et inaugure ainsi le culte de la loi qui caractérise le système législatif français jusqu'à la Vème République. Ce culte est remis en cause avec la mise en place d'un contrôle de constitutionnalité dans la constitution de 1958 qui devient de plus en plus sévère. Mais un tel contrôle ne doit pas porter atteinte à l'autorité de la loi, il a pour but de protéger les libertés fondamentales et d'empêcher que la loi ne devienne oppressive. Or la déclaration du vice-président du Conseil d'Etat trahit une perte d'autorité de la loi. Ainsi, si sa qualité d'expression du souverain, essence même de la définition reste théoriquement inchangée, c'est que la réalité de la loi a évolué. Evaluer l'autorité de la loi revient à dépasser sa stricte définition en analysant sa position dans la hiérarchie des normes. La montée en puissance du droit européen, l'évolution du contrôle de constitutionnalité, la multiplication des normes sont autant de facteurs qui pourraient nuire à la loi. Il convient aussi de s'interroger sur la portée de la loi aujourd'hui en étudiant la réalité de la loi, ses modes de création, de formulation et d'application. En effet, c'est l'effectivité et l'efficacité d'une loi sur le terrain et dans le temps qui indiquent la portée de l'autorité de cette dernière. En se limitant au cas français contemporain, il convient de se poser la question suivante :
La loi est-elle encore une norme supérieure ? La loi n'est plus la norme suprême et son contenu peine à s'imposer. Sa place dans la hiérarchie des normes institue un contrôle et une concurrence de la loi (I) et son contenu normatif est diminué (II).
[...] Ainsi, la promulgation de coïncide pas avec la mise en pratique effective de la loi. En 2005, trente-trois lois nécessitaient des mesures règlementaires d'application et à ce jour, uniquement trois de ces lois sont applicables ! Cette carence administrative entraine un affaiblissement de la loi face au règlement qui est souvent préféré car il est plus rapide et efficace. Ce recul de la loi alimente la déception du citoyen devant une loi qui tarde à produire ses effets. De plus, la loi est difficile à mettre en œuvre car son contenu est souvent flou ou dogmatique : la loi relève parfois de la déclaration d'intention par exemple celle du 13 juillet 1992 : la politique de la ville est un des éléments de la politique d'aménagement du territoire La loi qui devrait être une prescription sanctionnable est réduite à une incitation, voire une incantation sans effectivité possible. [...]
[...] Sa place dans la hiérarchie des normes institue un contrôle et une concurrence de la loi et son contenu normatif est diminué (II). I. La loi n'est plus au sommet de la hiérarchie des normes La loi est désormais soumise à une obligation de conformité avec les normes qui lui sont supérieures et sa supériorité sur le règlement n'est pas si évidente A. La loi subit un contrôle de conformité à la constitution et aux traités Sans remettre en cause directement l'autorité de la loi, la constitution de 1958 lui a imposé de normes supérieures et l'a donc reléguée au troisième rang de la hiérarchie des normes. [...]
[...] Cette inflation, en plus de son coût élevé, pèse sur l'autorité de la loi. Tout d'abord, elle détourne les députés de l'hémicycle. En effet, avec près de neuf mille lois par an, certains députés se lassent de ce rôle d'enregistrement de lois émanant essentiellement du gouvernement. À légiférer trop, on légifère mal et le désintérêt des députés traduit celui de la population et donc la perte d'autorité de la loi. Puis, l'inflation législative place une distance entre la loi et le citoyen qui ne peut pas les connaitre toutes, elles sont donc ignorées et les lois importantes voient leur portée diminuée par la publication de lois qui pourraient paraitre secondaires ou plus accessoires. [...]
[...] Mais alors le règlement autonome qui fixe les règles concernant le domaine du règlement est-il inférieur à la loi puisqu'il agit dans une situation de vide juridique ? Il y a une limite à l'égalité de la loi et du règlement autonome. Le 26 juin 1969, le Conseil Constitutionnel rappelle que la loi peut déroger aux principes généraux du droit tandis que ceux-ci soumettent l'autorité règlementaire, cette décision renforce donc l'autorité de la loi face au règlement puisqu'elle intercale les principes généraux du droit entre eux. De plus, la position du règlement ordinaire qui complète et assure l'application de la loi est clairement inférieure à la loi. [...]
[...] Que reste-t-il de l'autorité de la loi? Intro La loi devrait être solennelle, brève et permanente. Elle est aujourd'hui bavarde, précaire et banalisée déclarait Renaud Denoix de Saint Marc, vice-président du Conseil d'Etat le 21 janvier 2001 au Journal du Dimanche. Cette violente assertion dénonce la chute de l'autorité de la loi. Pourtant la loi est l'expression même du souverain puisqu'elle est votée au Parlement, par les représentants du peuple élus au suffrage universel. Elle apparait dès lors comme la figure allégorique du droit et de la démocratie et son autorité devrait être spontanément respectée. [...]
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