A chaque nouveau conflit entre Israéliens et Palestiniens, on retrouve inlassablement les mêmes images d'horreurs et d'incompréhensions. Cette fatalité dans la désespérance s'accroît d'autant plus que l'enchaînement des conflits ne laisse que trop peu de répit pour une population à bout de souffle. Au nombre des agressions (ou représailles suivant les positions), s'ajoutent depuis peu, pour le peuple palestinien, l'intensité et la violence des bombardements.
Les intellectuels ont souvent été présents au cours du 20e siècle, au devant de la scène, pour donner à la population avide de connaissances, les clefs pour comprendre le monde qui nous entoure. Or, en dehors des politiques, qui peut penser conflit en terme de globalité ? Les intellectuels. Force est de constater que ceux-ci ont quasiment disparu, au grand regret des citoyens que nous sommes.
C'est devant ce triste constat qu'il me semble judicieux de relire les analyses de grands intellectuels sur cette question du judaïsme et de l'Etat d'Israël. L'un d'entre eux, Raymond Aron, a essayé sa vie durant, avec la rigueur et la lucidité analytique qui le caractérisent, d'apporter quelques éléments de réponses. Comment un intellectuel réputé pour sa froideur d'analyse, par son souci de distanciation de l'objet social étudié, a-t-il pu mettre en œuvre cette méthode sur une thématique éminemment passionnelle et déraisonnable ? Sans théoriser une pensée politique du judaïsme, Raymond Aron fut confronté à la nécessité de redéfinir l'identité juive selon des formes nouvelles. Cette redéfinition religieuse était intimement liée au politique et à l'Etat d'Israël. Peut-on être français et israélien ? Peut-on être israélien avant d'être français ? Comment se concevoir juif et français ? Ces questions liées à l'identité juive furent plus approfondies dans un ouvrage intitulé, Essais sur la condition juive contemporaine.
[...] Je me propose aujourd'hui de relire son œuvre au gré de la nouvelle conjoncture, et de chercher des explications que le temps a effacées. Ces lectures m'amèneront à traiter du judaïsme, de la psychologie des juifs de France et de manière plus politique et pragmatique de l'Etat israélien (II). Sans théoriser une pensée politique du judaïsme, Raymond Aron fut confronté à la nécessité de redéfinir l'identité juive selon des formes nouvelles. Cette redéfinition religieuse était intimement liée au politique et à l'Etat d'Israël. Peut-on être français et israélien ? Peut-on être israélien avant d'être français ? [...]
[...] La France ou Israël, faut-il choisir ? La question de la double allégeance . La question de la double allégeance est une question qui suscite énormément de passion en France. Le récent conflit israélo-palestinien, a fait resurgir, surtout parmi les jeunes, des soutiens à la Palestine et à Israël, qui dépassent le simple cadre de la sympathie. Des drapeaux israéliens sont déployés, des slogans Israël vaincra ont accompagné les cortèges (et vice-versa du côté palestinien). A chaque occasion, on ressort les mêmes interrogations, ces individus sont-ils Israéliens ou Palestiniens avant d'être français ? [...]
[...] Or, c'est dans ce contexte qu'il va sentir monter en lui une bouffée de judéité dans sa conscience française, qui se traduit par la réflexion suivante : Que le président Nasser veuille ouvertement détruire un Etat membre des Nations Unies ne trouble pas la conscience délicate de Mme Nehru. Etacide, bien sûr, n'est pas génocide. Et les juifs français qui ont donné leur âme à tous les révolutionnaires noirs, bruns ou jaunes hurlent maintenant de douleur pendant que leurs amis hurlent à la mort. [...]
[...] Raymond Aron reproche à cette affirmation la simplification de sa conclusion. Il rappelle que les juifs ne doivent pas éluder leur problème : se définir eux-mêmes israéliens ou français, juifs et français oui, français et israéliens non. De l'existence ou non d'un peuple juif à l'antisémitisme en passant par la question de la double allégeance, Raymond Aron n'a jamais nié la responsabilité et la schizophrénie mentale de certains juifs. Ces considérations psychologiques et religieuses furent mises en exergue par la guerre des Six Jours et la menace qui pesait sur l'Etat d'Israël. [...]
[...] Combien de fois les juifs ont-ils été les plus forts ? Combien de temps le resteront-ils Aron n'hésita pas à critiquer ouvertement la politique israélienne de 1967 à 1973 et ce projet du Grand Israël. Il disait à ses homologues israéliens que politiquement, l'occupation du Sinaï, de la zone de Gaza, de la Cisjordanie, faisait d'Israël un Etat impérial. Ainsi, il jugea légitime l'attaque syro-égyptienne de 1973. Ces quelques réflexions de Raymond Aron sur l'Etat d'Israël me semblaient importantes à rapporter afin de montrer que sa vie durant et malgré son appartenance à une communauté présente dans le conflit, Aron s'efforça avec le plus grand réalisme d'analyser le conflit tel qu'il le percevait. [...]
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