La Chine, territoire déjà immense et divisé par les rivalités des seigneurs, cherchait son unité. Un sage, qui serait révéré pour des siècles sous le nom de Confucius, enseignait alors à ses élèves: « Respectez vos parents et vos frères, et vous contribuerez à la force de votre pays ». Le paysan de l'Ouest pouvait ainsi se sentir part du tout qui commençait loin là-bas, ou se finissent les terres; chacun, au moins par la construction de la cellule familiale, avait le pouvoir d'apporter sa pierre à l'édifice national. Pour Confucius, rassembler son peuple, sa communauté, relevait du plus élémentaire des projets politiques: l'éducation de ses enfants, l'attachement à la famille et aux valeurs nationales qu'elle incarne.
La guerre le fit connaître à la Chine, ainsi qu'à bien d'autres peuples: les liens qui unissent un peuple sont plus fragiles qu'ils ne semblent. Pour J-J. Rousseau (dans Le Contrat Social), seul le projet politique peut faire d'une assemblée d'esclaves un peuple. Mais là encore, la difficulté demeure: sur quoi se fonde une communauté politique ? La politique dépasse la science de l'administration, de la gestion des groupes. A-t-on déjà entendu dire que Sitting Bull, à la tête de sa tribu, faisait de la politique ? Que la famille Schneider, à la tête d'un empire industriel employant des milliers d'ouvriers, n'a jamais été une lignée de politiciens ?
La notion de politique dépasse les sciences du pouvoir, la gestion, l'art militaire et la manipulation. La communauté politique s'arrêterait sinon aux quelques uns qui ont « le bouton rouge », accès à l'article 49-3 ou à une cohorte de légionnaires. La politique inclut en effet une autre dimension: celle du débat et de l'idée. Mais dans le débat, dans la polémique (de racine grecque signifiant « combat »), est-il encore possible de rassembler ? La « communauté politique » est-elle un oxymore ?
[...] L'unanimité est gage d'une action d'ampleur, mais elle est bien plus souvent le symptôme d'une communauté politique malade, mal éduquée ou feinte. Seuls conditionnés, ou contraints de façon plus évidente, les hommes peuvent se trouver constamment et nombreux du même avis. Les scores électoraux des dictatures africaines sont connus pour parfois friser l'unanimité La communauté politique ne serait donc pas tant dans une vision du bien suprême que dans sa recherche commune. Une communauté politique est l'ensemble des personnes concernées par et agissant contre les problèmes de leur société. [...]
[...] Le bouc émissaire devient ainsi l'instrument de l'unification dans la fable de la Fontaine La peste (Fables), où la condamnation de l'âne, simple et naïf, apaise les réclamations et les peurs nées de l'épidémie de peste et permet au Roi de maintenir l'ordre. C'est aussi, plus tristement, le procédé des partis populaires xénophobes européens, qui unissent des natives (nationaux traditionnels) d'horizon très divers par la peur de l'étranger. L'uniformité est cependant glissante et ne correspond pas à une vie politique. On l'a vu : la politique implique une part importante de débat. Au sein d'un parti hypothétique dont tous les membres partageraient une vision exactement similaire de la société, existerait-il encore une dimension politique à leur union ? [...]
[...] On ne peut donc pas résumer une communauté politique à l'ensemble des hommes soumis à un même pouvoir La notion de politique implique une activité : les hommes partageant une vision commune du bien suprême et s'essayant ensemble à faire tendre la société vers lui sont peut-être les membres d'une véritable communauté politique. Les hommes, pour pouvoir construire ensemble une communauté, doivent parvenir à un consensus. L' assemblée d'esclaves citée par Rousseau s'évanouira au gré des intérêts. Il est donc nécessaire de faire surgir le commun afin de créer un peuple (le Contrat Social). La recherche de la cité idéale est à la fois facteur et conséquence de la cohésion d'un peuple. [...]
[...] Les différences de vision doivent donc nourrir le débat, sans conduire à un schisme des intérêts. La volonté de dépasser les différences et son égoïsme à la recherche de la cité idéale pour tous seraient donc l'essence d'une communauté politique. Bibliographie Notions de philosophie, Sous la direction de Denis Kambouchner, collection Folio Essais, "la notion de politique" Philosophie, Le guide spécial Cours, Nathan (ABC BAC) Chapitres 17 et 18 Objectif Bac, L'épreuve de philosophie, Hachette, Chapitres "la politique" Le Contrat Social, de Jean Jacques Rousseau Qu'est ce que la citoyenneté? [...]
[...] Il y a une part de contrainte dans tout consensus : On est vraiment libre qu'aussi longtemps qu'on est seul. Qui n'aime pas la solitude n'aime pas la liberté écrivait Schopenhauer. Mais si cette contrainte est trop forte, parce qu'une compromis ferait trop diverger chacun de ses vues, alors le groupe éclate. On pourrait en conséquence avancer qu'une communauté politique est d'autant plus forte qu'elle partage des idées similaires. Un groupe qui aurait la même vision du bien suprême de la cité ne divergera pas. [...]
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