La culture est, dans une première acception, l'ensemble des institutions sociales, des techniques, des spécificités linguistiques, des mœurs, des valeurs, notamment spirituelles, qui caractérisent un groupe humain et le distinguent de tous les autres, assurent la cohésion d'une société. La culture représente également, à l'égard d'un individu, un processus de développement de ses qualités intrinsèques – ce second sens se rapproche de la portée « agricole » du terme, et la culture devient alors plus spécifiquement l'ensemble des acquis de l'individu indépendants des apports de la culture du groupe auquel il appartient.
On peut s'interroger sur l'intérêt de la culture, selon ses différentes acceptions, pour un individu, et plus particulièrement sur la manière dont cette culture peut le « libérer ».
Au premier abord, la culture d'une société, d'un groupe humain semble contraindre l'individu, lui imposer des « normes » de pensée, de comportement contraires à la notion d'une « libération ». Toutefois, l'acquisition d'une culture semble également s'inscrire dans la nature même de l'homme, de fait caractérisé par son indétermination, et la confrontation aux arts, aux modes de pensée d'une société apparaît également assurer le développement des facultés de sa raison, et notamment d'une aptitude au jugement libre.
[...] Dès lors, la société semble contraindre l'homme à acquérir certaines données, certaines valeurs aux dépens de certaines autres, et ainsi le priver d'une véritable spécificité individuelle. Dans De la coutume et de ne changer aisément une loi reçue Montaigne explique en outre que ces données culturelles s'ancrent si profondément en l'individu en raison de ce qu'elles lui sont communiquées dès la naissance et pendant l'enfance, et sans nul contre-exemple, ce qui conduit à les accepter pour seules possibles qu'il est amené à les confondre avec la nature même, à ne plus percevoir l'artifice, les symboles, qui sont en leur fondement. [...]
[...] Et l'on peut souligner également que, selon certains penseurs, ce que l'on a pu percevoir comme liberté créatrice dont Kant notamment caractérisera le génie de l'artiste ne relèverait, en partie du moins, que de regards, de symbolismes culturels profondément ancrés. Dès lors, peut-on supposer que c'est le processus même de transformation de la réalité indépendamment des orientations qui déterminent cette transformation qui confère à l'art son universalité, qui lui permet de dépasser les différences culturelles en celui qui le contemple ? [...]
[...] C'est ainsi que, pour Kant, la culture et l'éducation permettent à l'individu de prononcer des jugements moraux ou esthétiques. Le jugement moral permet à l'individu, selon Kant, d'accorder ses actions à une loi dite morale en ce qu'elle exige qu'une action bonne soit réalisée par et pour le devoir, conformément à une intention bonne, à une disposition de notre volonté seule, et non en raison d'un désir, de la recherche d'une conséquence favorable à cette action. Par le jugement moral, l'homme participe de l'universel : de fait, la première formulation de l'impératif catégorique seule expression possible d'une loi véritablement morale repose sur le principe d'universalité : lorsqu'il agit, l'individu doit dans le même temps vouloir que la maxime de son action soit érigée en loi universelle et nécessaire de la nature. [...]
[...] Cette notion de contemplation artistique qui est contemplation de l'esprit par lui-même ne pourrait-elle pas suggérer un rapprochement avec les théories antiques celles notamment d'Aristote selon lesquelles l'art serait la voie d'accès à la connaissance d'un monde supérieur à notre réalité intelligible ? Il s'agirait alors de libérer véritablement l'homme de toute relation au monde réel, ses facultés ne s'exerçant plus que dans le domaine des idées pures. Certaines conceptions de l'art l'instituent en tant qu'aboutissement véritable du développement de notre humanité, dès lors qu'il n'est plus soumis à un désir de briller en société ni à un enseignement scolastique. [...]
[...] L'acquisition, par tout membre d'un groupe humain, d'une culture propre à ce dernier est indispensable à son inscription en ce groupe, mais peut également lui retirer son individualité fondamentale. Pourtant, elle apparaît être la composante essentielle d'une éducation qui tend à développer les facultés proprement humaines de l'individu : plutôt que de l'assujettir, elle serait au fondement même de son libre-arbitre, par le biais notamment d'une faculté au jugement universel. Mais ce dernier permet surtout d'apprécier la Beauté, notamment dans l'art, lequel pourrait être perçu comme l'aboutissement de la culture humaine et le moyen privilégié d'en dépasser les apparentes contradictions : c'est de nos passions que l'art peut nous libérer, voire même de l'emprise de la réalité extérieure à notre esprit, tout en effaçant les distinctions culturelles grâce à sa transformation d'un univers multiple et divers en un monde véritablement humain. [...]
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