La « phronesis » d'Aristote, la « virtu » de Machiavel, « le sens du Kairos », nombreuses sont les qualités attribuées à un homme politique. Elles doivent leur permettre de « faire de la politique », autrement dit de gouverner ou régner sur un Peuple. Il semble donc indéniable, et logique qu'un homme politique, politicien moderne, roi ou tyran, homme libre sur l'agora, ait une « vie politique ». Mais qu'en est-il du Peuple.
Se placer du coté du Peuple, entité abstraite des dominés, au sens où il subit les conséquences de la « vie politique » de l'homme politique, revient à s'interroger sur les conditions dans lesquelles le Peuple peut avoir son mot à dire. D'ailleurs, les termes « vie politique » peuvent poser problème. Une « vie politique », est-ce une vie entièrement régie par cette activité ? Ou bien est-ce une vie qui comporte quelques « moments politiques » ?
Ainsi, qu'est-ce qui pourrait réduire la faculté d'un Peuple à participer, plus ou moins souvent, à la vie politique qui le régit ?
[...] Machiavel explique d'ailleurs dans Le Prince que les principautés libres avant l'arrivée du Prince sont les plus dures à asservir. Avoir déjà été libre signifie avoir déjà expérimenté une autorité politique qui laisse le maximum de liberté, comme la Démocratie. Le but de la politique étant de rendre meilleur, Socrate dans Gorgias met l'accent sur la nécessité d'introduire de la raison dans la politique, pour remplace la passion prônée par Calliclès. Il est vrai que la passion particularise et que la raison généralise. La passion semble donc incompatible avec l'exercice de la politique. [...]
[...] Par conséquent, un Peuple a une vie politique quand il a une vie libre, une vie qui a le sens de la liberté. Mais qu'est-ce qu'avoir une vie libre ? Qu'est-ce qu'être libre ? La liberté s'oppose à la servilité de l'esclave, dans l'expérience sensible. En effet, un esclave n'est pas complètement asservi, au sens où il peut se réfugier dans sa citadelle intérieure dans sa conscience que nul ne peut asservir. La liberté intérieure d'Epictète s'oppose à la liberté extérieure. [...]
[...] Ainsi, tout homme est un zoon politikon L'adjectif politikon apposé à zoon semble clair : la politique se trouve en chacun des hommes en tant que caractéristiques naturelles. Dans ce sens-ci, une vie politique est une vie dans laquelle tout acte est politique, chaque action est imprégnée de la caractéristique interne de l'homme qu'est la politique. La question de se qui pourrait réduire la faculté d'un Peuple d'avoir une vie politique ne se pose donc pas. Cependant, dire que tout acte est politique, même un acte le plus intime, même un acte passionné n'est pas sans contradictions. N'y a-t-il pas une subduction du mot politique ? [...]
[...] Ainsi, le Peuple n'a-t-il jamais de vie politique ? Hannah Arendt, dans Qu'est-ce que la politique ? tente de re-sémantiser cette notion. Selon elle, ce n'est pas l'homme qui est politique, mais les relations entre les hommes. Une vie politique est alors une vie relationnelle. Mais qu'elle est la caractéristique fondamentale de la relation ? La liberté. Arendt affirme donc : Le sens de la politique est la liberté Ainsi, une vie politique est une vie qui a le sens de la liberté. [...]
[...] Un peuple sans passion n'a sûrement pas d'avenir et donc aucun intérêt à avoir une vie politique car comme nous dit Hegel, rien de grand ne s'est jamais fait sans passion Or la politique ne vise-t-elle pas le grand ? Le grand au sens de bon. Le Peuple qui a une vie politique doit donc avoir la passion de la raison. Autrement dit, selon Socrate, la partie raisonnée doit surveiller et recadrer de ses excès la partie de la passion. [...]
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