Pouvoir encadré et limité dès les origines de la République, le pouvoir des juges a cependant pris à partir des années 1970 un incontestable ascendant. Or, cette montée en puissance d'un pouvoir non-élu, souvent irresponsable et dont la légitimité est discutée, semble contraire aux principes de la démocratie dite à la française. Comment apprécier dès lors cette transformation ? Constitue-t-elle un progrès ou un problème pour la démocratie ? Après avoir montré que le pouvoir du juge a été encadré par des dispositions normatives, il est nécessaire de voir en quoi la récente montée en puissance du juge, répondant à une demande sociale, rend indispensable une nouvelle réflexion sur la responsabilité et la légitimité du juge
[...] Elle est également liée au rôle croissant joué par les cours constitutionnelles et au rôle essentiel de la CJCE et de sa jurisprudence dans la construction européenne. La question d'une transformation des rapports entre droit et démocratie est ainsi posée. On peut y voir un progrès dans la mesure où la plus grande place faite au juge et au droit indiquerait le développement de l'Etat de droit, indicateur d'un perfectionnement de la démocratie. Cela pose problème aussi en ce que le développement du rôle du juge et des cours constitutionnelles constitue aussi une remise en cause insidieuse des principes démocratiques et de la souveraineté du peuple. [...]
[...] Car sinon c'est la menace du gouvernement des juges qui pointe à l'horizon. Sinon il perd le prestige et les avantages de son "immunité", de son statut d'arbitre impartial. La justification du principe de la séparation des pouvoirs est de garantir la sûreté des citoyens, "en arrêtant le pouvoir par le pouvoir". Il serait dangereux de rompre l'équilibre des pouvoirs instaurés, et de donner à l'un d'eux des prérogatives retirées aux deux autres. Le juge ne doit pas s'imposer comme un super-légisfacteur ou même tenter de remplacer le politique. [...]
[...] Pour mesurer et mieux comprendre l'étendue actuelle de ce pouvoir il faut rappeler quelles ont été ses origines, et, particulièrement, qu'il a longtemps été associé au Divin. Le juge a longtemps eu la figure mythique de celui qui dit l'équité. Dans le droit naturel ancien, le juge occupe une place centrale. Pour Aristote, il est celui qui découvre le juste: son but n'est pas seulement de mettre en œuvre la loi mais de poursuivre le bien. Ce rôle de "souverain juge" se retrouve également dans la tradition chrétienne où Dieu, c'est-à- dire le Verbe, est seul capable de dire le Bien et le mal. [...]
[...] Le pouvoir du juge est défini par Montesquieu comme "une puissance nulle". Il est soumis à la loi toute puissante, expression de la souveraineté nationale. On rejoint là les théories de Rousseau et du droit positif qui s'oppose à la Common Law sur laquelle s'appuient les régimes anglo-saxons. La méfiance à l'égard du pouvoir du juge est marquée par la crainte de l'irrationalité, du conservatisme. D'où une certaine crainte à l'égard de la jurisprudence. La loi doit donc encadrer strictement l'accomplissement de la justice, comme le rappelle les articles 7,8 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme. [...]
[...] La réforme annoncée au sein du pouvoir judiciaire la favorisera-t-elle peut-être. Bibliographie - Antoine GARAPON, Le gardien des promesses, Odile Jacob - Georges BURDEAU, Francis HAMON et Michel TROPER, Droit constitutionnel, L.G.D.J., 26e édition - Philippe GARRAUD, Les nouveaux juges du politique en France in Critique internationale, printemps 1999, - Francis HAMON et Michel TROPER, Droit constitutionnel, L.G.D.J., 26e édition - MONTESQUIEU, L'esprit des lois, La Pléiade - Alexis DE TOCQUEVILLE, De la démocratie en Amérique, Livre chap VI, - Les nouveaux enjeux de la justice in Petites affiches, octobre 2000. [...]
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