Pouvoir de l'écriture, citation de Claude Lévi-Strauss, Tristes tropiques, lutte contre l'analphabétisme, contrôle des citoyens, pouvoir, démocratisation de l'enseignement, particularités régionales, colonisation
Le degré de progrès d'un peuple est souvent estimé en fonction de son taux d'alphabétisation, et la lutte contre l'analphabétisme est en général considérée comme un devoir d'État. Or, Lévi-Strauss considère au contraire qu'elle "se confond avec le renforcement du contrôle des citoyens par le pouvoir". Proposition surprenante qu'il a justifiée à l'aide de plusieurs exemples, et qu'une analyse de l'alphabétisation en France peut confirmer. Toutefois en restituant ce phénomène de démocratisation de l'enseignement écrit dans son contexte historique, on en délimitera la portée et on pourra se demander si l'écriture n'a pas fini par devenir une arme de libération pour le plus grand nombre.
[...] D'ailleurs, la télévision est très répandue dans les pays où l'alphabétisation est faible, assurant ainsi, sans le sport de l'écrit, la pénétration du pouvoir dans tous les foyers. N'oublions pas les vertus de l'écriture : en fixant la mémoire, elle offre aux hommes un sens de la durée et de la continuité des générations que l'immédiateté et l profusion des images télévisuelles pourraient mettre en péril. S'il est vrai que la lutte contre l'analphabétisme, sous un couvert humaniste et généreux, cache une entreprise de domination d'un pouvoir central fort, elle donne également aux personnes ainsi armées un pouvoir de connaissance et de résistance. [...]
[...] L'alphabétisation, un contre-pouvoir efficace, mais fragile La démocratisation du savoir L'alphabétisation s'est répandue en Europe lorsque le savoir technique est devenu tel qu'il ne pouvait être transmis par l'observation du savoir-faire des anciens et l'apprentissage manuel. Apprendre à lire et à écrire était devenu une nécessité pour une économie issue de la révolution scientifique et technique. Auparavant, pendant des siècles, l'écriture, réservée à une élite, était entre les mains du pouvoir. On ne l'a démocratisée que lorsqu'il fut nécessaire d‘asseoir un nouvel ordre économique. [...]
[...] Dans les colonies Que le même enseignement ait été dispensé dans tous les territoires colonisés par les Français illustre de façon presque caricaturale le propos de Lévi-Strauss. En alphabétisant, on imposait une culture, un mode de pensée soutenu par un système économique et politique, on légitimait dès le plus jeune âge le principe de la colonisation. Et cela était d'autant plus aisé dans les pays où de nombreuses langues sans écritures divisaient les ethnies, ce qui était fréquent en Afrique. [...]
[...] On pense aussi à Moïse qui reçoit de Dieu les Tables de la Loi. Nous constatons donc à nouveau le lien entre l'écriture, le pouvoir et le développement de l'État. En France D'une manière générale, la lutte contre l'analphabétisme va de pair avec l'établissement d'un pouvoir centralisateur imposant des normes communes à l'ensemble de la nation. Ainsi, en France elle se développe au XIXe siècle avec l'instauration de l'école laïque obligatoire pour tous les enfants. On devait y apprendre à lire, écrire et compter. Mais que supposait cette mission généreuse ? [...]
[...] Or, Lévi-Strauss considère au contraire qu'elle « se confond avec le renforcement du contrôle des citoyens par le pouvoir ». Proposition surprenante qu'il a justifiée à l'aide de plusieurs exemples, et qu'une analyse de l'alphabétisation en France peut confirmer. Toutefois en restituant ce phénomène de démocratisation de l'enseignement écrit dans son contexte historique, on en délimitera la portée et on pourra se demander si l'écriture n'a pas fini par devenir une arme de libération pour le plus grand nombre. I. [...]
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