Si la peur est, comme l'ont exprimé des auteurs tels que Hobbes, au fondement de la société, un élément structurant du lien social, elle ne peut cependant pas être considérée comme une valeur par la politique. Elle écarterait le politique sinon des missions fondamentales, et risquerait d'aboutir, dans un cas extrême, au totalitarisme et au rejet du politique. Mais elle constitue néanmoins un ressort de la politique, puisqu'elle peut être utilisée comme instrument efficace de respect des règles et des valeurs établies par la société, et qu'elle symbolise une partie des attentes de nombreux citoyens électeurs: la fin de leurs peurs. Ressort qu'il convient cependant d'encadrer
[...] La peur est en effet d'abord être une vertu personnelle. La peur est associée à un sentiment négatif dans l'absolu, mais, lorsqu'elle prend la forme d'une crainte de sa propre conscience, elle peut être considérée comme une valeur. La crainte de l'autre qui risque de porter atteinte à notre intégrité n'est guère appréciable, mais la crainte morale de ses propres remords est fort utile en société et peut constituer une règle de conduite. Le rôle du politique n'est pas de susciter la peur de ses sujets mais consiste certainement plus à créer en lui une notion de devoir de crainte de porter atteinte aux liberté de l'autre, et par conséquent de voir les siennes à leur tour mises en cause. [...]
[...] Le retour de la peur, mais à plus grande échelle encore signifie l'échec de la politique. La politique est censée permettre d'organiser la société, mais non l'autoriser contre son accord. Or dans les régimes reposant sur la peur comme valeur on rejette l'expression de l'opinion publique, qui d'ailleurs est généralement réduite au silence. Mais si la peur ne peut et ne doit pas être élevée au rang d'idéal, d'objectif, elle peut néanmoins constituer un ressort encadré du politique. Bien encadré dans un Etat de droit et un régime démocratique, le recours à la peur peut en effet être un instrument utile et acceptable du politique, qui doit également veiller à lutter contre les peurs des citoyens. [...]
[...] Si la peur peut être un instrument utile au service du politique, il convient néanmoins de l'encadrer par un ensemble de règles par le souci permanent de servir la démocratie. Le politique lorsqu'il a recours à la menace doit veiller à respecter l'intérêt de la communauté. Il convient pour cela d'encadrer son action par des règles instituant un Etat de droit, et de veiller à ce qu'il respecte les principes démocratiques. Dans un Etat de droit, le politique qui peut avoir la charge de la crainte et le monopole de la violence légale doit agir dans le cadre de la constitution et des règles établies. [...]
[...] Or ces peurs sont aujourd'hui de plus en plus nombreuses et souvent canalisées par des partis extrémistes comme le FN : peur du chômage, de la mondialisation, de l'autre, de la criminalité et de la mafia . La peur (ou les peurs) des gens constitue donc un domaine où la politique a beaucoup à faire. Il est intéressant de voir que pour faire face à ces peurs, il faut souvent accroître les pouvoirs du politique et en tout cas le protéger des menaces pesant sur lui. [...]
[...] Dans un Etat de droit et une démocratie, le politique doit en effet toujours viser le bien social dans son action. Il ne doit pas agir, et éventuellement utiliser la répression, dans un intérêt personnel, sinon ce serait le retour au totalitarisme qui repose sur la peur et dont on a décrit les effets négatifs pour la communauté et pour le politique lui- même. Sa principale préoccupation lorsqu'il a recours à la violence doit être de ne pas risquer de dissoudre le lien social en recréant un climat de peur. [...]
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