Le 10 mars 2009, la chaîne française Histoire diffuse sur son antenne, un débat intitulé, « Le retour des théories du complot ? ». Réunis autour de la table, les spécialistes, journalistes, essayistes, politologues et historiens, discutent d'un phénomène qui retrouve un certain intérêt médiatique depuis les évènements du 11 septembre 2001. La discussion tourne autour d'une problématique : on nous cacherait la vérité. La vérité serait en effet détournée du regard du plus grand nombre, au profit des intérêts cyniques d'une petite minorité. Ce phénomène n'est pourtant pas nouveau, on dira même qu'il a toujours été présent au cours de l'histoire. Qui n'a jamais entendu parler du prétendu complot judéo-maçonnique ? sioniste ou bien encore judéo-bolchevique ? Bref, la liste pourrait s'allonger indéfiniment.
A en croire nos experts, on rapporte pour la première fois l'idée de complot, à celui des lépreux du Moyen-Age, ceux-ci auraient déjà eu, la volonté de manipuler et de contrôler le monde. Plus récemment, le livre de Dan Brown, Da Vinci code, a trouvé un public nombreux et enthousiaste devant les thèses défendues par son auteur. Ce fort intérêt pour les théories du complot peut être expliqué rationnellement dans le sens où les acteurs concernés donnent l'impression de masquer la vérité. Les zones d'ombres laissées suite au 11 septembre nous laissent à penser que la vérité n'est pas celle officiellement admise. Dans le même registre, l'intransigeance ou le silence de l'Eglise sur certains sujets alimentent quelque part cette paranoïa. Ainsi, on le voit bien avec ces deux exemples, des raisons rationnelles peuvent expliquer ce regain d'intérêt pour les théories du complot. En d'autres termes, si la vérité nous est cachée, c'est à nous de la découvrir dans les non-sens du pouvoir.
Et pourtant, l'ésotérisme n'a pas toujours fait recette, il était réservé dans les années 1950 à une petite minorité d'initiés. Sa vulgarisation dans les romans et les analyses politiques a fait en sorte de le diffuser dans toutes les couches de la société, à commencer par les milieux académiques. Longtemps négligée par les sciences sociales, la pensée dite « ésotérique » commence à être reconnue comme un objet d'étude à part entière. Dès lors, on se décide de relire certaines œuvres anciennes sous le prisme de ce nouveau procédé. Léo Strauss a été dans ce domaine l'un des grands artisans de relecture des écrits de philosophie politique. De Machiavel, à Spinoza en passant par Hobbes ou Maimonide, il aura sans cesse travaillé à découvrir la pensée réelle de ces auteurs.
[...] Cette dernière causée par le triomphe du relativisme et de l'historicisme, issu de l'idée de modernité de la philosophie moderne, explique selon Strauss, le doute dans lequel se trouve l'Occident aujourd'hui. Pour répondre aux maux de nos sociétés, il faudrait d'après lui, revenir aux enseignements des Anciens. Cette relecture ne sera cependant pas de tout repos, étant donné que nombre d'écrivains anciens utilisaient l'ésotérisme pour outrepasser la persécution des autorités. Ce procédé d'écriture nécessite comme nous l'avons vu, une méthode rigoureuse dont Strauss, nous en a dévoilé les contours. [...]
[...] Ainsi, mise à part la question de la méthodologie qui est soumise à la controverse, on retrouve un débat de fond sur la philosophie politique et l'histoire. Dès lors, réfléchir à la façon dont Léo Strauss conçoit la philosophie classique et traditionnelle à l'aide de ce procédé ésotérique, va nous aider à comprendre l'objectif de son œuvre : expliquer la crise de notre temps par la crise de la philosophie politique. En d'autres termes, l'intérêt sera de saisir en quoi chez Léo Strauss, le retour à l'ésotérisme, est-il un moyen de réactiver une réalité perdue par les Modernes, à savoir que la vérité universelle est présente entre les lignes des écrits des Anciens, et non dans l'illusion de la modernité et de la science pour tous ? [...]
[...] Cette vision de la philosophie politique n'est pas celle que conçoit Strauss. Pour lui, elle a une saveur toute particulière, elle est avant tout comme le percevaient les Classiques, l'étude des opinions dans la Cité. Elle doit se poser comme question fondamentale : qu'est-ce que la vie bonne ? Ainsi, Strauss entend la philosophie comme une tentative de découvrir et dévoiler les fins véritables de l'homme en tant qu'homme.[11] Pour comprendre l'entreprise intellectuelle de Léo Strauss, il faut donc partir de la crise de notre temps. [...]
[...] Cette vision élitiste de la philosophie et de la connaissance est très présente chez les Anciens, notamment chez Platon. D'autre part, les Classiques ne croyaient pas à l'harmonie essentielle de la pensée et de la société, et par conséquent, ils n'estimaient pas obligatoire de parler avec une sincérité et une accessibilité totale. Sans développer plus en profondeur ce point, rappelons simplement à la lumière de l'analyse de Strauss, l'accessibilité de cette lecture codée : les hommes irréfléchis sont des lecteurs inattentifs, et seuls des hommes réfléchis sont des lecteurs attentifs. [...]
[...] Il existe donc d'après Strauss, une rupture du point de vue de la philosophie politique classique, par laquelle la modernité se définit. Il distingue trois étapes successives. La première est centrée autour de l'œuvre de Machiavel. Des auteurs comme Hobbes ou Locke s'inscrivent dans la lignée de cette première étape de la modernité. Pour Strauss, ces deux derniers ont présenté l'enseignement de Machiavel, sous une forme plus acceptable. Cette première vague, essentiellement antithéologique, est en quelque sorte, fondatrice des représentations libérales de la vie politique. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture