Patrie nation
Quelles réalités différentes, quelles interactions entre eux et quelles formes
d'attachement peuvent revêtir les deux faits d'appartenir à une patrie d'une part et
à une nation d'autre part ?
Nous verrons d'abord que la nation est la mise en application concrète de l'idée de patrie,
qui est un sentiment, un héritage, un concept. La nation est une communauté, mais une
communauté dont les définitions varient, s'entrechoquent et sont corrélées à une
intervention étatique. Comme nous aurons vu que l'attachement à la patrie, à la nation est
constitutif de ces notions, nous tenterons de montrer selon quelles modalités le
patriotisme et le nationalisme diffèrent et comment ils ont évolué au cours de l'histoire.
[...] Définir la nation : la communauté d'héritiers. Sous l'Ancien Régime, la nation est une communauté d'individus de même origine : on parle de nation angevine, de nation picarde. Dans cet ordre d'idée, la nation peut être définie selon ses caractéristiques ethnoculturelles (langue, géographie, race, mode de vie, religion). Mais cette acception n'est pas celle retenue par Ernest Renan, dans sa célèbre conférence Qu'est-ce que la Nation ? Il y écrit : Une nation est une âme, un principe spirituel. Deux choses qui, à vrai dire, n'en font qu'une, constituent cette âme, ce principe spirituel. [...]
[...] Pierre Birnbaum. Le patriote : un trublion factieux s'opposant au gouvernement Le patriotisme à l'origine, notamment comme on l'entend au XVIIIème siècle au Royaume-Uni, ou pendant la révolution hollandaise de 1783, n'a rien à voir avec la croyance dans son pays, qu'il ait raison ou qu'il ait tort. Hobsbawn explique bien que le patriote était une personne qui montrait son amour pour son pays en souhaitant le renouveler par les réformes ou une révolution. Et la patrie à laquelle ils étaient fidèles étaient l'opposé d'une unité existentielle préétablie Parce qu'on a de l'affection pour sa patrie, on veut le meilleur pour elle (c'est l'idéal à réaliser dont on a déjà parlé en définissant la patrie), même si l'on s'oppose au gouvernement : c'est donc un sentiment très personnel. [...]
[...] Historiquement, on peut étudier ce que Maurice Agulhon appelle la religion de la patrie Dans ses Mémoires de Guerre, Charles de Gaulle donne un exemple de ce sentiment : Ce qu'il y a en moi d'affectif pour une certaine idée de mon pays, imagine naturellement la France, telle la princesse des contes ou la madone aux fresques des murs Cet amour filial est bien retranscrit par l'expression de Mère-Patrie C'est au nom de cet amour qu'on doit se sacrifier pour sa patrie : Racine dans Horace : Mourir pour la patrie est un si digne sort/ Qu'on briguerait en foule une si belle mort. La patrie est donc cette terre vivante et humaine dont nous héritons des aïeux et qui comporte en elle un attachement viscéral. Celui qui n'a pas de patrie, l'apatride, n'a pas d'attache, n'a pas de lieu «où il peut ne pas mourir (Jean Ousset). 2La patrie est une valeur. [...]
[...] A partir des années 1880, le nationalisme est de plus en plus recouvert par la notion de race Gobineau, en 1856, avec son Essai sur l'inégalité des races humaines ou Vacher de Lapouge vont introduire le critère ethnique au centre du sentiment et de la détermination nationale. En ce sens, l'idée de Nation, à l'origine plutôt de gauche, opère un brusque virage à droite. Le darwinisme social mène Spencer, par exemple, à appliquer les principes de biologie aux nations. Le désenchantement du monde mène aussi à une sacralisation de la Nation, comme substitut à la religion. [...]
[...] Il existe plusieurs combinaisons. Une nation peut ne pas correspondre à une patrie, être sans héritage, sans legs terrien. C'est le cas des gitans par exemple, que Jean Ousset définit comme nation sans terre, mais nation quand même, avec une histoire et une appartenance, sans patrie mais avec un patrimoine. La perpétuation de la patrie dépend du comportement de la communauté nationale : la nation peut dilapider l'héritage patriotique ces patries fatiguées de leur existence écrit Salazar en 1956), mais elle peut aussi le restaurer (par les commémorations, les restaurations, la conservation de dialectes La nation est une organisation de la communauté, ancrée dans le présent, qui peut faire briller ou, au contraire, oublier des pans de l'héritage patriotique. [...]
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