« Nous rendrons littéralement impossible le crime par la pensée, car il n'y aura plus de mots pour l'exprimer ». Voilà le but ultime de l'Angsoc dans 1984 de George Orwell, amoindrir le langage à un tel point que la possibilité de penser sera réduite. Cela montre que le langage est si puissant qu'il peut modifier les pensées de l'individu. Le langage qui est capable d'opprimer est-il aussi capable de libérer ? Et plus précisément encore, la parole libère-t-elle ?
La parole est la prise en charge individuelle de la faculté de langage. Sans elle il n'y a pas de manifestation effective du langage dans l'expérience. L'être parlant peut exprimer, grâce à certains organes qui lui donnent cette faculté, des idées, des opinions, des ordres, des sensations et même, on le sait, la parole peut se faire action. Elle est expression de l'intériorité dans l'extériorité.
La parole peut être libre si l'on dit ce qu'on veut de ce qu'on veut, mais la question porte ici non pas sur la liberté de la parole, mais sur sa faculté à libérer. Doit-on penser la parole comme une aliénation de l'esprit individuel, en tant qu'elle dépend de signes conventionnels, ou bien la parole, en tant qu'elle extériorise l'intériorité, est-elle émancipation ? Pour parler de libération, il faut déterminer quels peuvent être les oppresseurs.
[...] Ainsi, dans un premier temps, nous verrons de quoi la parole peut libérer et en quoi peut-elle être une révélation salutaire. Ensuite, nous nous intéresserons à la parole comme dépassement du réel immédiat, qui est une effectuation de l'homme, être spirituel et capable de symboliser. Puis on se demandera s'il est justifié de penser la parole comme un enfermement de l'esprit, par rapport au monde et soi-même. Développement Comme nous l'avons dit, la parole permet de faire sortir de l'intimité la pensée et de la formuler dans le monde réel. [...]
[...] Ainsi, on peut s'opposer à autrui, lui montre ses torts, ou se mettre d'accord. La parole peut être bénéfique ou perverse. Elle permet de tromper l'autre en ne disant pas le vrai, principe du mensonge, ou bien en tentant de persuader. Un homme qui maîtrise parfaitement l'art de la parole peut obtenir ce qu'il veut. C'est ce que soutient Gorgias à Socrate, l'orateur peut parler de tout, mais s'il ne sait pas. Aussi est-il capable d'avoir plus d'influence sur un médecin sur la question de la santé sans avoir aucune qualification. [...]
[...] La parole libère-t-elle ? Introduction Nous rendrons littéralement impossible le crime par la pensée, car il n'y aura plus de mots pour l'exprimer Voilà le but ultime de l'Angsoc dans 1984 de George Orwell, amoindrir le langage à un tel point que la possibilité de penser sera réduite. Cela montre que le langage est si puissant qu'il peut modifier les pensées de l'individu. On peut se demander si le langage qui est capable d'opprimer est aussi capable de libérer. Et plus précisément encore, la parole libère-t-elle ? [...]
[...] Le fait de nommer permet aussi la maîtrise du monde, ou en tout cas son premier stade. La parole répond à une tendance une humaine de savoir. L'homme se libère d'une condition de simple observateur passif du réel, et crée un monde qu'il parle. [...]
[...] Mais aussi un éloignement du réel, des choses mêmes à force de généraliser les termes on se risque à n'avoir que des conceptions normalisées et figées. La parole risque d'être confusion et obstruction du réel. Comme l'écrit Bergson, nous vivons dans une zone mitoyenne entre les choses et nous, extérieurement au monde et extérieurement à nous». Cela serait alors un reproche de la rationalisation du réel. Il y a dans la parole, et plus largement dans le langage, l'action de faire entrer les choses du réel dans des concepts. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture