Au contraire des philosophes politiques modernes, les penseurs classiques et chrétiens accordent une importance particulière à l'analyse des différents régimes politiques de la Cité. La question du meilleur régime a intéressé autant les Grecs (Platon, Aristote, Polybe), que les Romains (Cicéron) et les chrétiens (St Augustin, St Thomas d'Aquin).
La conceptualisation et la définition du peuple, notion fondamentale quand on examine la nature des régimes politiques et leurs caractéristiques, varient énormément entre ces différents auteurs. Or, ces divergences ont une incidence directe sur leurs conclusions en ce qui concerne la nature du meilleur régime et sur la fin de la cité.
Ainsi, les différences dans la définition de leurs concepts amènent Cicéron et St Augustin à des raisonnements opposés tant sur des questions pratiques (la nature de Rome) que théoriques (la nature du meilleur régime).
[...] En effet, la philosophie politique romaine (et particulièrement celle de Cicéron) intègre à la fois l'héritage grec, c'est-à-dire une recherche des critères de la justice et du bonheur, et une volonté de concrétiser les conclusions philosophiques dégagées, notamment à travers les lois et les institutions. De la République est d'ailleurs un exemple de cette pensée à la fois idéelle et matérielle, s'inspirant autant de Platon (théorie de la justice) et d'Aristote que de Polybe (théorie de l'anacyclose, c'est-à-dire de la succession des régimes politiques selon leurs formes pures et dégénérées) et de la réalité politique romaine contemporaine. La notion de peuple développée par Cicéron dans De la République est somme toute assez simple. [...]
[...] Cependant, contrairement à Platon pour qui la Cité idéale est fortement hiérarchisée, Cicéron va affirmer que le meilleur régime doit laisser une place aux tendances démocratiques. Toutefois, elles doivent être balancées par des institutions plus aristocratiques. Ainsi, les tensions inhérentes à toute Cité entre l'élite et le peuple (les grands et les petits selon Machiavel) pourront être résolues à l'intérieur de l'arène politique, ce qui favorise la stabilité et la puissance du régime. Finalement, pour résumer, la définition du peuple selon Cicéron suppose l'existence d'un cadre politique établi ainsi que la protection des êtres et des biens. [...]
[...] La définition du peuple se construit chez St Augustin en premier lieu en réponse à Cicéron. En effet, l'auteur de La Cité de Dieu cherche avant tout à démontrer que, selon les termes que ce dernier a définis, la République romaine n'a jamais existé. Pour St Augustin, de l'absence de justice chez les Romains découle l'absence de droit et donc de peuple selon la définition de Cicéron. Ainsi, en suivant la logique augustine, il est clair qu'il ne peut y avoir de république là où il n'y a pas de justice. [...]
[...] Toutefois, St Augustin propose pour sa part une autre définition du peuple, afin de notamment éviter les pièges de la précédente. Pour lui, peuple est l'association d'une multitude raisonnable unie dans la paisible et commune possession de ce qu'elle aime»[6]. Or, selon St Augustin, un peuple est d'autant plus excellent que son intérêt commun est élevé spirituellement le peuple chrétien, qui vit dans l'amour de Dieu, étant bien sûr le meilleur des peuples. C'est là, selon C. Spector que s'articule le cœur de la pensée augustinienne. [...]
[...] La forme du pouvoir politique importe peu, ce qui compte c'est la façon dont il en est fait usage. En conclusion, cette analyse des philosophies de Cicéron et de St Augustin permet de rappeler l'importance de la définition des concepts dans tout travail de nature théorique, mais aussi de juger de l'influence de la religion chrétienne sur le monde occidental. À partir de St Augustin, il faudra attendre Machiavel pour qu'un penseur ose s'attaquer à l'Église et remettre en cause les postulats philosophiques de la Chrétienté. [...]
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