Cette métaphore a traversé les siècles de la pensée politique. Le troupeau, l'instinct grégaire, chez les Anciens comme chez les Modernes, malgré les différences qui les séparent, est toujours le reflet d'un jugement normatif, soulignant la difficile transition de la pluralité à l'unité (politique) – en d'autres termes de l'intérêt particulier à l'intérêt général. Quel est dès lors, l'intérêt épistémologique et politique de cette métaphore dans l'analyse platonicienne de la démocratie ? Après avoir circonscrit la fonction de l'image et du mythe dans la pensée politique de Platon, on s'interrogera sur les paradoxes de la « séduction » platonicienne soulevés par l'usage d'une telle métaphore. Puis on envisagera la postérité de cette image dans les critiques ultérieures de la démocratie en essayant d'identifier les ruptures et les continuités sémantiques autant que théoriques.
[...] La foule gouvernant avec les lois ce sera une démocratie tolérable ; sans lois, ce sera une démocratie déplorable»(p.155). Le thème du troupeau est ainsi intégré à une critique intestine de la démocratie qui vise à transformer par l'éducation la culture vers laquelle peut tendre cette dernière, celle du conformisme et de l'individualisme. Cette image, dans la postérité, va permettre de décrire la démocratie péjorativement par opposition à l'idéal d'un corps politique unifié au sein duquel s'articulent la pluralité et l'individualité. [...]
[...] Parler du troupeau renvoie à l'animalité, à une dimension instinctuelle reflétant une satisfaction effrénée des désirs (epithumiai)[7]. Ainsi Platon évoque le troupeau pour désigner ce grand animal (République, que forme l'opinion (doxa) par opposition au philosophe-roi qui possède l'épistémè (la science politique). Le troupeau est du côté de la corruption, de l'anarchie, tandis que le bon gouvernant se tient du côté de la permanence car il est soucieux de la fondation d'un ordre politique qui résisterait à la corruption du temps[8]. [...]
[...] En quoi cette métaphore présente un intérêt épistémologique, c'est-à-dire dans l'élaboration et la transmission de la théorie platonicienne de la démocratie ? II. L'intérêt épistémologique de l'usage de cette métaphore dans la pensée de PLATON A. Le thème du troupeau : une aporie ou un jugement implicite ? Comme le souligne Geneviève Droz, le mythe est explicitement présenté par Platon comme un badinage dont la fonction n'est que de corriger une définition insatisfaisante Comment un badinage pourrait-il être une vérité philosophique ? [...]
[...] Postérité de l'image dans les critiques ultérieures de la démocratie A. pluralité d'individus et corps politique = le troupeau comme anti- paradigme du bon régime Cet enseignement est tiré par Aristote (Politique) lorsqu'il écrit : la cité est composée non seulement d'une pluralité d'individus, mais encore d'éléments spécifiquement distincts : une cité n'est pas formée de parties semblables, car autre est une symmachie, autre est une cité.(II,2) ( ) la cité est, comme nous l'avons dit plus haut, un pluralité, qui, par le moyen de l'éducation, doit être ramenée à une communauté et à une unité.(II,5) La notion de symmachie reflète cette idée du troupeau comme contre-exemple du bon régime. [...]
[...] L'image du troupeau caractérise ainsi la culture démocratique selon Platon dont les formes institutionnelles reflètent les imperfections. quant à la démocratie, que la multitude commande de gré ou de force à ceux qui possèdent, qu'elle observe exactement les lois ou ne les observe pas, on n'a l'habitude de rien changer à ce nom. in le Politique, 292a in sur le Politique de Platon, p62 L'homme, pendant des millénaires, est resté ce qu'il était pour Aristote : un animal vivant et de plus capable d'une existence politique ; l'homme moderne est un animal dans la politique duquel sa vie d'être vivant est en question. [...]
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