Reconnu pour ses qualités d'homme d'Etat par une Chambre des Communes où s'était jadis illustré Edmund Burke, Winston Churchill y fustigeait dès le milieu des années 1930, les positions pacifistes de ses « honorables collègues » de Westminster dont l'immobilisme politique les poussait à ignorer la menace nazie.
Seul contre tous, il exhortait la chambre basse à réarmer l'Angleterre, assénant qu'il « fallait prendre l'événement par la main avant qu'il ne vous saisisse à la gorge ». A l'inertie des « hommes honnêtes », Churchill opposait alors la puissance de gouverner de l'homme d'Etat, décideur public à la fois pessimiste et dynamique, pour qui seules les capacités d'action et d'anticipation permettent le triomphe de l'intérêt général.
Car le « triomphe du mal » désigné par Burke n'est autre que la défaite du bien public, morcelé en une bigarrure d'intérêts individuels qu'un gouvernement composé d'hommes, certes « honnêtes » mais également falots et apathiques, se contente d'arbitrer ou de « gérer ».
[...] Face aux dangers de l'immobilisme, le retour d'un État rénové, fort d'une assise institutionnelle renouvelée et de chaînes de décision clarifiées, devrait renforcer la croyance en l'intérêt général d'une société désireuse de trouver en l'homme d'État, non pas l'honnête homme optimiste et inerte, mais le guide dynamique et visionnaire. [...]
[...] Issus de cette société aux tendances apathiques, les hommes honnêtes qui en conduisent les affaires cherchent à préserver l'ordre établi forts d'un optimisme qui masque mal leur inertie. Convaincus que le laisser-faire débouchera naturellement sur le bien public, leur gestion de l'État, caractérisée par un court-termisme délétère, mène la société sur le chemin de l'évanescence et de la décadence. Aussi Rome, après avoir connu de solides chefs militaires, impavides devant le risque guerrier et portés par une administration impériale aussi puissante qu'efficace, s'est-elle mue en une société conservatrice, arc-boutée derrière son limes et préoccupée par l'arbitrage de luttes intestines entre patriciens et plébéiens, chrétiens et païens. [...]
[...] La présence locale de l'État s'amoindrit et les mentalités sociales n'ont que partiellement intégré la coopération intercommunale, les Conseils généraux et les Conseils régionaux comme autant de nouvelles figures d'exercice d'un pouvoir autrefois dévolu aux seuls maires et préfets. Subséquemment, la société oppose à l'État une révolte passive marquée par la démobilisation politique et l'absentéisme électoral. Il y a là un rapport presque nihiliste de la société à l'État qui la rend vulnérable à la rouille décrite par Tocqueville dans De la Démocratie en Amérique. Aux yeux de la société, l'autorité semble être exercée de façon fébrile par un État qui lui inspire de plus en plus de méfiance. [...]
[...] Il existe toutefois un préalable absolu à l'action de l'homme d'État : qu'il dispose des moyens de sa propre action. Insuffler un esprit dynamique à une société menacée de rouille implique de disposer d'une solide administration, indispensable relais de la puissance publique. L'administration donne les moyens de gouverner, démultiplie la portée de l'action individuelle dont elle est le vecteur de transmission et renforce la foi de la collectivité en l'efficacité de l'État. La puissance de gouverner exige une constitution administrative solide, à la manière de Rome, dont Fustel de Coulanges dit qu'elle conquit sans asservir qu'elle unit le monde par l'administration Décidé à gouverner pleinement la France, le Premier Consul Bonaparte a pris toute la mesure des avantages qu'il tirerait d'une administration puissante. [...]
[...] Renouer avec l'esprit de la Constitution n'est pas impossible, peu s'en faut. Si les régimes passent, les strates constitutionnelles demeurent. C'est ainsi que les monarques renaissants ont exhumé la constitution politique et administrative jadis instaurée par Rome, et que dix siècles d'ordre féodal n'avaient réussi à effacer. A la montée du vote contestataire depuis le milieu des années 1980, a fait écho une autre forme de contestation sociale, davantage dépolitisée, mais non moins virulente, qu'est la crise des banlieues de l'automne 2005. [...]
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