« La raison d'Etat […] désigne l'impératif au nom duquel le pouvoir s'autorise à transgresser le droit dans l'intérêt public » Michel Senellart.
La raison d'Etat fascine et intrigue. Elle est dans l'imagerie populaire la part incompressible d'obscurité au sein de l'Etat, une injure faire à la démocratie. Plus que jamais d'actualité depuis le début du nouveau millénaire, elle prend la forme de l'exception au droit commun de plus en plus fréquente (Patriot Act, Gantanamo, etc.), la plupart du temps illégale ou amorale, elle peut s'affranchir de la démocratie, des droits de l'Homme et plus généralement de la morale et de l'éthique.
Il faut attendre la Renaissance et l'émergence d'Etat modernes pour que la raison d'Etat soit enfin définie et revendiquée. S'il est communément admis que Machiavel (1469-1527) est l'inventeur ou plutôt le révélateur de la raison d'Etat moderne, c'est en fait Botero qui théorise le principe et introduit le terme regione di stato en s'opposant au machiavélisme par l'attachement à la moralité chrétienne.
[...] Il faut attendre la Renaissance et l'émergence d'Etat modernes pour que la raison d'Etat soit enfin définie et revendiquée. S'il est communément admis que Machiavel (1469-1527) est l'inventeur ou plutôt le révélateur de la raison d'Etat moderne, c'est en fait Botero qui théorise le principe et introduit le terme regione di stato en s'opposant au machiavélisme par l'attachement à la moralité chrétienne. Tout l'enjeu de cet exposé sera d'expliquer les étapes de l'avènement de la raison d'Etat à travers l'étape machiavélienne et ses conséquences. [...]
[...] Jésuite et fonctionnaire à la Curie romaine, il s'oppose tout d'abord à la pensée machiavélienne dans le domaine moral en récusant une conception de la raison d'Etat fondée sur la transgression et le mensonge. Ensuite, il fait reposer la puissance de l'Etat, non plus sur la guerre, mais sur le développement de l'industrie et de l'économie, détournant l'Etat de ses ardeurs guerrières pour augmenter sa puissance à travers la prospérité commune, la raison d'Etat devient anti-souveraine. La question économique revêt avec Botero une étrange importance qui la place au cœur de la pensée politique de l'Etat. Michel Senellart va chercher à comprendre les aspects théologiques et stratégiques de ce trait particulier. [...]
[...] Le modèle de la politique machiavélienne réside dans la juste utilisation du conflit par le Prince pour asseoir son autorité. En outre, l'Etat ne s'efforce pas de diriger ses sujets vers la justice ; au contraire ; il s'installe dans un rapport d'hostilité à l'égard de ceux-ci, le peuple devient une menace permanente pour l'Etat. Il ne gouverne plus, il domine. Pour Machiavel, la nécessité, necessitas est la conservation du pouvoir privé du Prince. Cette nécessité omet volontairement la recherche du bien commun pour les sujets. [...]
[...] Un nouveau concept politique aux conséquences majeures La rupture machiavélienne et l'entrée au rang de concept philosophique de la raison d'Etat se comprennent comme un dépassement durable de la vertu gréco-romaine. Il faut attendre les Lumières puis le libéralisme au XIXe siècle pour assister à un véritable retour de la préoccupation du bien du peuple via la démocratie. Le rejet exercé par Machiavel sera très important et nourrira une réflexion approfondie sur la raison d'Etat. Descartes notamment consacre à Machiavel une analyse du Prince où celui-ci juge avec un regard neutre et critique la pensé machiavélienne. D'autres philosophes comme Hobbes, Pascal et surtout Spinoza s'intéresseront à la raison d'Etat. [...]
[...] Certains voient en la ratio reipublica à Rome l'origine de la raison d'Etat. Ciceron fait même allusion à une version relativement moderne, mais péjorative de la raison d'Etat, l'utilité pour lui peut servir d'excuse pour faire le mal, cependant il prône la supériorité de l'honestas. Au moyen-âge, ratio status regni devient une expression de plus en plus usitée par les juristes royaux et mise en œuvre dans les politiques menées par Frederic II et Philippe IV, mais l'éthique chrétienne reste trop prégnante pour que la raison d'Etat puisse véritablement se développer. [...]
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