Trop souvent mal employée pour décrire de simples régimes dictatoriaux ou despotiques, la figure de l'État totalitaire est aujourd'hui souvent considérée comme une « super-dictature ». Le terme de totalitarisme désigne pour simplifier un « système politique à parti unique n'admettant aucune opposition organisée et au sein duquel l'État tend à dominer toutes les activités de la société ». En retenant les critères d'Hannah Arendt, ce terme de totalitarisme ne s'applique alors qu'à l'Allemagne hitlérienne et à l'URSS stalinienne. L'image de l'État totalitaire demeure bien souvent associée à celui l'ayant gouverné, Staline ou Hitler, comme si de tels régimes n'avaient été rien d'autre que le fruit de la folie d'un homme. D'un point de vue extérieur en effet, l'État totalitaire peut sembler n'être qu'une parenthèse dans l'Histoire, une simple erreur construite en opposition à l'État de droit.
Peut-on alors considérer l'État totalitaire comme une simple négation de l'État de droit ?
[...] Hannah Arendt affirme ainsi que Le dictateur totalitaire ne se considère pas comme un agent libre ayant le pouvoir de mettre en œuvre sa volonté et ses caprices arbitraires, mais comme l'exécutant de certaines lois qui lui sont supérieures ».On peut donc déjà de ce point de vue là considérer que l'Etat totalitaire est un Etat légal dans l'application du pouvoir, car il se soumet bien à des lois, et établit une hiérarchie des normes ce qui constitue une caractéristique majeure de l'Etat de droit. Un certain nombre de valeurs sont aussi empruntées à l'Etat de droit par l'Etat totalitaire. Staline énonce ainsi le principe d'égalité de tous devant la loi dans son Projet de constitution pour l'URSS en 1936 en réaffirmant l'égalité des races et des sexes tandis qu'un certain nombre de discours nazis reprend un certain nombre de métaphores fraternelles et égalitaristes, s'appliquant aux seuls Aryens bien sûr. [...]
[...] Hannah Arendt. Paris : Seuil, 1972. [...]
[...] On observe pourtant qu'il subsiste une certaine légalité dans ces régimes ainsi que d'autres spécificités de l'État de droit, principe énoncé par Beccaria[1], puis repris comme un objectif central par la Révolution française. Il correspond à un État dans lequel chacun voit ses activités déterminées et sanctionnées par le droit, du simple individu jusqu'à la puissance publique. Peut-on alors considérer l'État totalitaire comme une simple négation de l'État de droit ? Des similarités entre Etat de droit et Etat totalitaire L'avènement de l'Etat totalitaire marque l'abolition de l'alternative qui existait depuis l'Antiquité entre des sociétés soumises à des lois et des sociétés sans loi, entre des régimes arbitraires et des régimes légaux. [...]
[...] On retrouve aussi dans l'ordre légal nazi cette perversion de l'Etat de droit. Cette dérive est particulièrement visible en ce qui concerne le bouleversement de la hiérarchie des normes et le non-respect des droits les plus fondamentaux comme le droit à la vie remis en cause pour les personnes atteintes de maladies incurables. En reprenant le principe du juriste Karl Binding de L'autorisation à supprimer la vie indigne d'être vécue conçu en 1920, l'euthanasie se généralise et les camps pour malades mentaux se multiplient. [...]
[...] La première consiste à supprimer toute distinction entre accusation politique et accusation de droit commun définie par l'article 58 du Code pénal soviétique (1922). Il fait dès lors office selon Claude Lefort d'équivalent pervers de la loi fondamentale Chacun peut être accusé coupable pour n'importe quoi à n'importe quel moment. Pour plus d'efficacité, l'appareil communiste s'identifie ensuite avec la loi. On observe dès lors une intrication du pouvoir du savoir et de la loi s'opère dans le Parti (J. Picq) et une confusion entre les pouvoirs exécutifs et législatifs. [...]
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