Philosophie, politique, lien, Arendt, Jona, Habermas
La deuxième guerre mondiale constitue le lieu d'une rupture dans notre modernité, tant historique que philosophique. La montée des totalitarismes, l'horreur nazie ou encore l'utilisation de la science à des fins meurtrières marquent la pensée de philosophes allemands comme Hannah Arendt, Hans Jonas ou encore Jürgen Habermas. Le XXème siècle signe en effet la violence de l'homme contre les autres hommes, une violence quasi industrialisée, rationalisée, et surtout l'appartenance collective comme assimilation de toutes les identités singulières engendrant nécessairement haine et violence quant à ceux qui ne se seraient pas fondu dans le modèle proposé par certaines autorités politiques. C'est dans une perspective plurielle de défense de l'humanité comme une citoyenneté, que les trois philosophes sont amenés à repenser le lien qui unit les hommes entre eux. L'émergence du capitalisme aliénant, confinant à des fonctions de production et de consommation, dans le même temps que le mal surgit dans nos sociétés, par l'idéologie ou par la science, a étiolé le lien d'homme à homme.
Comment le lien supposé souder l'humanité apparaît comme dissous dès l'introduction des totalitarismes, et comment d'après les prescriptions d'Arendt, Jonas et Habermas pourrait-on le rattacher?
[...] Le lien humain permet à la fois d'assimiler et de différencier les hommes entre eux, tout en les mettant sous la bannière de la citoyenneté mondiale. La modernité a aboli cette idée de citoyenneté mondiale par l'aliénation de la pensée. En effet, dans les sociétés capitalistes telles qu'introduites dans Condition de l'homme moderne, le politique, c'est-à-dire la manière de réaliser le « bien-vivre ensemble » aristotélicien, a été réduit à une gestion purement administrative, tandis que la vie, elle, a été réduite à la production et à la consommation. [...]
[...] C'est là que se rattache la pensée de Jonas. Conscient d'un lien non plus seulement humain, mais tout simplement vivant (c'est-à-dire inclure la nature), Jonas dépeint un monde interagissant, avec des interactions entre tous : on ne peut pas penser que notre action sur un domaine particulier n'entraînera pas de conséquence sur un autre domaine. Dès lors, Jonas parle de responsabilité collective dans le cadre d'une humanité de la pluralité. Parce que nous sommes humains, nous sommes responsables ensemble des méfaits de l'homme et des conséquences de son action sur la nature. [...]
[...] Là où se rejoignent les trois penseurs, c'est sur l'idée d'une pensée collective et résistante à l'opposé de celle d'Heidegger. Ici, le philosophe s'engage et l'action est au coeur de son humanité. Dans la Condition de l'homme moderne, Arendt dépeint l'action comme le seul élément que la modernité n'ait pas entravé. L'action est essentiellement perçue par Arendt comme l'agir pol. « L'action est la seule activité qui met directement en rapport les hommes sans l'intermédiaire des objets, et correspond à la condition humaine de la pluralité ». [...]
[...] Le capitalisme est également dénoncé comme étant à l'origine du développement du « mal » dans le premier XX° siècle, en témoignent la bureaucratisation du régime nazi, ou encore les industries de la mort et leur organisation huilée. En aliénant la liberté des individus, ceux-ci ne forment plus qu'une masse avilie par le travail. Il va s'agir de s'adresser aux masses en les terrorisant : le langage de la terreur est propre aux totalitarismes, qui dès lors font s'abattre le sentiment de désolation. Le totalitarisme pense à la place des sujets grâce à la peur, et éradique même la possibilité de se forger des convictions. [...]
[...] Ce qui apparaît chez Arendt, c'est l'idée que la modernité se caractérise par l'incapacité d'accepter ce qui est, la propension à considérer toute chose comme un stade, un moment d'une évolution ultérieure. Jonas plonge également dans cette réflexion : la croyance scientifique dans le progrès suppose une fin miraculeuse. La croyance repose sur un pari sur l'avenir : science et technique répondraient à tout. Erreur, puisque nous sommes dans une incertitude totale quant à l'avenir, l'agir humain étant imprévisible. Et en effet, c'est l'incertitude qui semble caractériser la modernité. [...]
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