L'esprit des peuples est-il mort ? Chaque tentative de nos hommes politiques de raviver sa flamme suscite au moins autant de contestations que de louanges. Cet esprit des peuples, ce mouvement culturel par lequel une communauté affirme son existence et la déploie, qui se compose de deux éléments principaux – le consentement à un gouvernement commun, qui marque le passage de l'état de multitude à celui de peuple, et une base culturelle commune – a joué un rôle fondamental dans la constitution de l'État-nation. Mais face aux contestations que nous évoquions, il est difficile de résister, surtout dans la mesure où celles-ci se font au nom de la liberté, de l'irréductibilité de l'individu à une identité nationale ; elles se situent donc consciemment ou inconsciemment dans la lignée du libéralisme, doctrine mais aussi pratique politique et économique selon laquelle la liberté de l'individu prime sur toute appartenance à une collectivité et sur toute intervention de l'État. En apparence, se demander si le libéralisme a rendu surannée l'idée d'un esprit des peuples, c'est donc ressusciter une vieille question qui n'a plus de raison d'être. Si la liberté de l'individu prime, la communauté et son esprit doivent s'effacer.
[...] Ainsi, le libéralisme engendre une double contestation à l'égard de l'État nation et donc de l'esprit du peuple : par le haut sous forme d'uniformisation ; par le bas sous forme de fragmentation. Si l'interface national disparaît, se retrouvent face à face une très forte fragmentation, et une uniformisation non moins forte. En apparence, ce conflit ne peut donc s'achever que par l'uniformisation de toutes les différenciations (avec à terme la disparition de l'individu et de son identité), ou bien la fragmentation poussée à l'extrême et la disparition de toute entité supérieure à l'individu. [...]
[...] Le libéralisme a-t-il rendu surannée l'idée d'un esprit des peuples ? L'esprit des peuples est-il mort ? Chaque tentative de nos hommes politiques de raviver sa flamme suscite au moins autant de contestations que de louanges. Cet esprit des peuples, ce mouvement culturel par lequel une communauté affirme son existence et la déploie, qui se compose de deux éléments principaux le consentement à un gouvernement commun, qui marque le passage de l'état de multitude à celui de peuple, et une base culturelle commune a joué un rôle fondamental dans la constitution de l'État nation. [...]
[...] Encore une fois, sans le consentement en un gouvernement commun, il n'y a pas de peuple, et donc pas d'esprit de peuple ! Les grands chantiers des États actuels visent donc à asseoir leur légitimité sur le terrain économique, en fournissant des services utiles à ses citoyens, en termes d'infrastructures, d'accès et de qualité d'éducation, de protection sociale etc. Ce rôle de l'État est toutefois de plus en plus difficile à assumer, tant l'équilibre est précaire entre le repli sur soi qui semble correspondre aux attentes de certaines populations et l'ouverture au monde qui est une exigence absolue du libéralisme. [...]
[...] Tout d'abord, la théorie du libéralisme repose sur l'assertion que tous les hommes disposent des mêmes droits, dits naturels le premier de ces droits étant la liberté individuelle. L'homme est donc universellement libre, quelle que soit sa culture, sa classe sociale etc. Cette portée universelle du libéralisme, qui nous semble aujourd'hui parfaitement acquise, ne va pourtant pas de soi, dans la mesure où parmi ces droits naturels on compte des droits qui, justement, vont à l'encontre de certaines habitudes culturelles. [...]
[...] L'exemple le plus éclatant, celui qui semble sous-tendre toute la conférence de Renan, est bien entendu celui de l'Alsace-Lorraine, que les Allemands et les Français réclament chacun de leur côté : bien que l'Alsace-Lorraine puisse être considérée comme de culture germanique, au vu de la proximité linguistique et culturelle avec l'Allemagne, l'attachement des Alsaciens Lorrains à la France devrait les autoriser à quitter le Reich pour la République. On retrouve donc bien, aussi bien dans la conception allemande que dans la conception française de l'esprit du peuple, l'influence majeure (mais non exclusive) du libéralisme, ce qui exclut l'idée d'origine selon laquelle le libéralisme s'oppose à l'esprit des peuples. Au contraire, c'est l'idée du choix rationnel et du consentement qui s'impose comme fondement de l'esprit des peuples. Mais, dans ce cas, pourquoi assiste-t-on aujourd'hui à une contestation de ce même esprit sous l'influence du libéralisme ? [...]
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