Les inégalités, lorsque nous sommes confrontées à elles, peuvent sembler choquantes, qu'elles soient matérielles (mendicité) ou plus abstraites (égalité des chances). Mais notre sentiment d'injustice est nécessairement justifié ? Il semble clair, au premier abord, que la justice ne peut pas se définir uniquement d'après notre seul sentiment de ce qu'est le juste. Il est cependant intéressant de noter que, quel que soit l'angle sous lequel on envisage la justice, celle-ci semble impliquer des rapports entre plusieurs personnes. C'est pourquoi elle ne peut vraisemblablement pas être fondée sur un simple sentiment subjectif de justice, mais elle doit se définir de manière plus objective.
C'est aussi la raison pour laquelle la justice contient inévitablement le problème de l'inégalité. Etant donné que la justice traite par définition des rapports entre les individus, et puisque les problèmes d'égalité et d'inégalité sont au cœur de ces rapports, la justice doit sans doute étudier attentivement chaque forme d'inégalité pour savoir si elle est juste ou non. Si l'on en juge par l'état actuel du droit, la justice de nos pays est loin de condamner toutes les inégalités. Pourtant la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme affirme aussi que « Tous les hommes naissent libres et égaux en droits. » Il semble donc que toute inégalité n'est pas une injustice, puisqu'inégalités de distribution des richesses (propriété) et égalité de droit semblent cohabiter dans nos sociétés.
On peut néanmoins se demander sur quels fondements on peut distinguer clairement les inégalités justes des inégalités injustes, afin de savoir si certaines inégalités peuvent véritablement ne pas être injustes. Par ailleurs il sera important de ne pas nous limiter à une définition « humaine » de la justice, afin de tenir également compte de ses éventuelles dimensions naturelle ou absolue et divine (idéale).
[...] Cela signifie clairement que l'égalité sociale ou morale que l'on rajoute à l'égalité ontologique est insuffisante en elle-même pour permettre d'accéder à la vraie justice et d'agir de manière vraiment juste. Cela signifie également que toute inégalité n'est pas une injustice puisque la vraie justice peut s'obtenir avec la charité au-delà même de l'inégalité. Certaines inégalités nous choquent cependant par leur injustice, mais leur injustice peut venir surtout de la pauvreté et la misère par exemple, et non pas nécessairement de l'inégalité elle-même (cf. A. Sen). [...]
[...] Il explique dans le Contrat Social XI) que l'égalité doit avant tout être défendue parce que la liberté ne peut subsister sans elle tout en affirmant que la liberté est surtout importante pour éviter un affaiblissement du corps de l'Etat. Ce n'est plus tant la question de la justice absolue qui intéresse Rousseau, que celle de l'intérêt de l'Etat et du droit positif. La seule égalité qu'il faut défendre par-dessus tout est donc celle qui permet à chaque citoyen de participer à parts égales à la détermination de la volonté générale. C'est ce qui circonscrit la portée de l'égalité défendue par Rousseau. [...]
[...] La question principale est alors de savoir s'il existe des inégalités que notre nature unique et ontologique ne peut pas tolérer, car dans ce cas elles ne peuvent être qu'injustes du point de vue de la justice absolue. Et l'on devra alors aussi approfondir notre définition de la justice, pour nous demander si d'autres inégalités ne peuvent pas demeurer injustes même sans être intolérables à cause de l'égalité naturelle qu'il y a entre les hommes. La question logique qui en découlera sera alors de savoir ce que nous devons faire sur le plan pratique face aux inégalités que l'on considère comme injustes, car la définition de la justice comme un état de fait et qui ne se préoccupe pas de sa réalisation concrète est sans doute une définition incomplète. [...]
[...] Au final la pensée de Rousseau ne comprend-elle pas un peu d'idéalisme, à l'instar de la pensée de Platon ? En effet, le Contrat Social a beaucoup inspiré notre système juridique, qui est essentiellement positiviste. Mais il a peut-être agi sur le politique davantage en tant qu'idée qu'en tant que modèle que l'on aurait cherché à appliquer tel quel et par-dessus tout. Car la conception de Rousseau de la volonté générale reste suffisamment idéaliste pour que l'on doive encore se satisfaire d'une simple proximité ou d'une tension vers l'idée parfaite. [...]
[...] intro., trad. et notes par Robert Baccou. Paris : Flammarion Ricoeur, Paul. Philosophie de la Volonté. Paris : Aubier Rousseau, Jean-Jacques. Du Contrat Social. GF Flammarion Rousseau, Jean-Jacques. Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes. GF Flammarion Saint Ambroise. [...]
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