Petit à petit les espaces où les fumeurs peuvent jouir du plaisir de fumer se réduisent. Monsieur Untel, tenté par une cigarette, se résigne lorsque le cercle rouge portant en son centre une cigarette violemment barrée lui rappelle la sévère interdiction. Curieuse situation aussi dans un régime politique qui place parmi ses valeurs fondatrices la liberté.
Cette liberté qui, même si elle « s'arrête là où commence celle des autres », devrait permettre à chacun de jouir librement, de profiter sans entraves de son plaisir lié à la cigarette. Monsieur Untel préfère nier son envie de fumer – ou changer de lieu, alors qu'il était sûrement très bien dans l'autre lieu auparavant. Dès lors l'obéissance, dans la perspective où elle contraint les hommes, n'entraîne-t-elle pas, par extension, une négation des hommes ?
L'obéissance apparaît en effet comme irrationnel et aliénante ; dès lors, désobéir pourrait constituer un moyen pour les hommes de s'affirmer de nouveau ; cependant, l'obéissance est en réalité une norme, intégrée par les hommes et avec laquelle ils composent.
[...] Pourtant comme dans l'obéissance l'homme abandonne la raison, en désobéissant, celui- ci obéit à sa raison. Face à un pouvoir politique qu'il juge abusif, face à des lois qu'il juge injustifiées, l'homme se ressaisit de sa raison en décidant de contester ce pouvoir ou ces lois et donc en assumant son statut d'animal politique doué de raison. Seuls peu d'hommes choisissent la désobéissance radicale une désobéissance qui en se posant contre un Etat n'a en fait pour seul but que de le déstabiliser voire de le détruire. [...]
[...] Dès lors, pourquoi accepter la contrainte, pourquoi accepter de limiter notre plaisir par obéissance ? L'homme raisonnable donc doté de raison qu'est l'homme moderne ne devrait pas accepter d'obéir dans ces conditions. Mais l'obéissance peut aussi aller contre cette même raison. L'expérience que Stanley Milgram relate dans son ouvrage De l'autorité est de ce point de vue probante. Sous couvert d'une expérience sur les effets de la punition sur l'apprentissage, des personnes doivent envoyer des décharges électriques de plus en plus fortes à une autre personne, assise sur une chaise électrique. [...]
[...] Pourquoi les hommes obéissent-ils ? Interdiction de fumer Petit à petit les espaces où les fumeurs peuvent jouir du plaisir de fumer se réduisent. Peut-être bientôt, le pouvoir politique français s'inspirera-t-il des Japonais : il matérialisera dans la rue même les endroits spécifiques où il sera autorisé de fumer. Et monsieur Untel respecte cela : il ne fume ni dans son ascenseur, ni au restaurant, ni dans son bureau. Monsieur Untel, tenté par une cigarette, se résigne lorsque le cercle rouge portant en son centre une cigarette violemment barrée lui rappelle la sévère interdiction. [...]
[...] Cependant, la raison ne se retrouve pas exclusivement par la désobéissance : l'obéissance peut aussi résulter de l'utilisation de la raison. Curieux cheminement en effet qui fait de la raison la justification de la désobéissance et de l'obéissance. Mais revenir à la base de l'Etat moderne est nécessaire : l'homme obéit aux lois et que sont les lois sinon la manifestation de la volonté générale ? Dès lors, les hommes sont-ils maîtres d'eux-mêmes lorsqu'ils obéissent aux lois, fruits des hommes. [...]
[...] Ainsi, la désobéissance peut-elle inverser le processus. Cet opposé de l'obéissance pourrait peut-être rendre à l'homme son statut d'homme. En désobéissant, l'homme reconquiert peut-être sa liberté ; sûrement il affirme son statut d'homme individuel en s'opposant au pouvoir politique qui n'est en place que parce que ces hommes reconnaissent qu'il est un pouvoir politique. Voici donc Antigone qui, ne pouvant accepter de voir son oncle Créon refuser une sépulture à son frère Polynice va braver le pouvoir royal. En dépit de l'interdiction en vigueur, elle donne une sépulture à son frère. [...]
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