"La fin justifie les moyens". Cette phrase, attribuée à Machiavel (1469-1527), a fasciné un grand nombre de philosophes. Ce concept totalement nouveau, qui surgit au cœur de la Renaissance pour dissocier morale et politique, aurait même pu être un élément déclencheur, en partie, de tragédies politiques historiquement connues.
Si l'on suppose ici que la fin est une fin politique louable, honorable, et que les moyens sont des bassesses (ruses, mensonges, violences..) on peut se poser cette question, qui domine toute vie politique qui se veut démocratique, de savoir si, pour réaliser un projet dont l'aboutissement est honorable, la ruse, le meurtre, le mensonge, ou tout acte déchu de valeur morale est acceptable, ou du moins compréhensible.
[...] Le mensonge est destructeur. ( ) A admettre une entorse, toute la société boiterait. Le reproche de formalisme évoqué envers Kant a raison d'être, il semble déconnecté de la réalité de croire à une véracité absolue conduisant au bien de tous. Dans son texte Une personne est une foi en soi (Fondement de la métaphysique des mœurs), il déclare : Tout homme a le droit de prétendre au respect de ses semblables, et réciproquement, il est obligé au respect envers chacun d'eux Kant met en évidence la spécificité de l'homme en tant qu'être possédant une dignité et insiste en même temps sur l'obligation fondamentale que nous avons tous les uns envers les autres en raison même de cette dignité, c'est-à-dire le respect. [...]
[...] La force est juste quand elle est nécessaire, mais là encore nous devons redoubler de prudence quant au juste sens de la nécessité (Hitler voyait la Solution finale comme une nécessité). D'une manière générale, non, la fin ne justifie pas les moyens, et si ceux- ci venaient à être déployés, ce devrait être dans une situation extrême uniquement. Même si nous vivons aujourd'hui dans une société extrême où souvent seul le résultat compte, nous devons mettre un point d'honneur à la conservation de valeurs morales, lesquelles, dans le monde que nous avons créé, sont trop souvent oubliées. [...]
[...] D'où la nécessité d'adapter les normes aux situations. A partir de là, on peut penser que la politique doit sacrifier certains principes moraux. Comme Hegel commentait Machiavel : On ne guérit pas des membres gangrenés avec de l'eau de lavande et une vie proche de la putréfaction ne peut être réorganisée que par la violence Mais faut-il, sous prétexte d'assurer la paix, l'ordre et l'efficacité, négliger pour autant toute morale ? Il s'agirait donc de trouver un juste milieu entre éthique et action, concessions et politique. [...]
[...] Aussi dit-il On peut percevoir qu'un homme qui parle avec autant de sérieux n'avait ni bassesse dans le cœur ni moquerie dans l'âme ( ) Il excuse les moyens terribles recommandés par Machiavel en disant qu'ils étaient simplement usuels et actuels pour les contemporains. Il est aussi probable que Machiavel, en plus d'être d'une autre époque, fut partie de ceux qui ne voyaient pas la réhabilitation de l'ordre moral, mais l'efficacité comme but de la politique. De fait, il semble que l'efficacité soit capitale. [...]
[...] Si une politique est inefficace, elle apparaît comme inutile, utopique et irréalisable. Mais cela ne suffit pas et, si l'efficacité est le seul critère de la valeur de l'action politique, on perd paradoxalement la valeur morale qui doit animer les fins du politique. Bien sûr, le résultat est l'aspiration de la politique, mais nous pourrions même nous avancer à dire que le résultat éthique et moral est l'aspiration de la politique. En effet, la politique ne peut se faire sans faire référence à certaines valeurs, et la vie en commun doit nous conduire à vivre comme des hommes et non comme des bêtes. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture