Montant sur les barricades le 2 décembre 1851, le représentant républicain Baudin s'est exclamé « Vous allez voir comment on meurt pour 25 francs ». Ce beau geste exprime clairement l'ambigüité de l'engagement politique qui mêle vocation et métier. Se poser la question de la professionnalisation de l'exercice du pouvoir c'est avant tout s'interroger sur l'apparition et les conséquences de cette ambigüité.
Pris dans un sens large, l'exercice du pouvoir semble concerner toute notre vie tant les relations sociales sont insérées dans les « mailles du pouvoir ». Ainsi l'exercice du pouvoir concernerait alors toutes nos actions mêmes les plus insignifiantes. Il semble alors nécessaire de prendre un sens plus restreint de l'exercice du pouvoir compris dans son acception politique.
Exerce le pouvoir politique celui qui participe au gouvernement des hommes. Si cette définition est volontairement restreinte, elle permet toutefois une étude plus approfondie des relations entre le pouvoir et l'exercice d'un métier. D'autant que le terme de métier est étymologiquement lié à celui de ministère (métier étant issu de la contraction de ministerium) dans le sens de l'exercice d'une activité professionnelle spécialisée et rémunérée. Toutefois la polysémie du terme de métier, qui peut aussi être compris dans le sens d'un savoir-faire, d'une techné, nous oblige aussi à étudier le lien entre l'exercice d'un pouvoir politique et la possession de compétences spécifiques.
[...] Il suffit de penser aux scribes égyptiens pour voir que les tâches administratives ont souvent été assumées par des corps particuliers exerçant clairement un métier. Mais ce personnel s'occupe avant tout de gestion de l'Etat et non d'exercice du pouvoir. Comme le souligne Weber : Il [le fonctionnaire] doit s'acquitter de sa tâche sine ira et studio, sans ressentiment et sans parti pris. Par conséquent, il ne doit pas faire ce que l'homme politique, aussi bien que le chef que ses partisans est contraint de faire sans cesse et nécessairement, à savoir combattre L'exercice du pouvoir présuppose donc de prendre parti, de lutter et studium ce qui n'est pas attendu du gestionnaire administratif. [...]
[...] Toutes ces mesures institutionnelles et politiques, si elles sont importantes voire révolutionnaires, ne représentent qu'une réponse partielle au problème de la distance entre gouvernants et gouvernés. Un autre angle d'attaque face au problème de la distance entre les gouvernants et les gouvernés est celui du développement de la démocratie délibérative. La délibération est le quatrième principe de la démocratie représentative selon Bernard Manin et son approfondissement peut permettre de lutter contre la fracture entre électeurs et élus afin de donner une plus forte légitimité au travail politique. [...]
[...] L'apparition d'un discours sur le savoir-faire nécessaire à l'exercice de pouvoir est un moyen simple d'exclure les non- professionnels de cet exercice. Et il semble clair que ce savoir-faire est en partie nécessaire du fait même de la professionnalisation et de la création d'un langage politique particulier. Pour prendre conscience de l'importance de ce langage politique spécifique on peut voir par exemple les débats idéologiques qui agitent aujourd'hui un parti tel que le Parti Socialiste : la présence de marqueurs idéologiques au sein des discours est très prégnante. [...]
[...] Mais si le discours actuel présente comme naturel que l'exercice du pouvoir soit une activité professionnelle spécialisée, cet exercice requiert-il un savoir-faire particulier ? En reprenant dans le détail le mythe détaillé par Protagoras dans le dialogue éponyme de Platon, nous voyons que, dans l'idéal athénien, tous les citoyens ont leur mot à dire concernant la gestion de la Cité : les Athéniens, quand ce qui est en question est le mérite de charpentier ou de tel autre professionnel, ne donnent qu'à un petit nombre de gens le droit de donner leur avis [ Mais, qu'ils en viennent à une consultation relative au mérite dans l'ordre social [ alors c'est avec raison qu'ils le supportent de la part de tout homme sans exception Il semblerait donc que pour exercer le pouvoir il n'est besoin d'aucun savoir-faire particulier, tous les hommes ayant reçu de Zeus les sentiments de l'honneur et du droit (l'art politique) ils peuvent participer sans entrave à l'exercice du pouvoir. [...]
[...] Exercer le pouvoir, est-ce un métier ? Montant sur les barricades le 2 décembre 1851, le représentant républicain Baudin s'est exclamé Vous allez voir comment on meurt pour 25 francs Ce beau geste exprime clairement l'ambigüité de l'engagement politique qui mêle vocation et métier. Se poser la question de la professionnalisation de l'exercice du pouvoir c'est avant tout s'interroger sur l'apparition et les conséquences de cette ambigüité. Pris dans un sens large, l'exercice du pouvoir semble concerner toute notre vie tant les relations sociales sont insérées dans les mailles du pouvoir Ainsi l'exercice du pouvoir concernerait alors toutes nos actions mêmes les plus insignifiantes. [...]
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