« La Société civile fait son entrée au gouvernement » pouvait-on lire dans les journaux après les nominations au gouvernement Raffarin de Luc Ferry, Francis Mer, Claudie Haigneré, Hamlaoui Mekachera et Noëlle Lenoir. Cet épisode témoigne du lien étroit qui existe entre « Société Civile » et « Etat ». Mais avant toute réflexion sur un quelconque sujet, il faut de prime abord s'interroger sur les termes dudit sujet. Il est en effet primordial de savoir quelles notions recouvrent les vocables d'« Etat » et de « Société Civile ». Si l'on se réfère à l'étymologie du mot « Etat », le terme proviendrait du latin stare, qui signifie « demeurer » ou « se tenir debout ». Cette étymologie suggère l'idée de stabilité, de pérennité et de permanence de l'Etat ; cette vision de l'Etat stable étant bien définie par Nicolas Machiavel comme : « unité politique d'un peuple qui le double et peut survivre aux allées et venues non seulement des gouvernements mais aussi des formes de gouvernement ». Avant les premières utilisations du mot « Etat » au XVIe siècle, le terme grec polis signifiant « cité » et le terme latin civitas signifiant également « cité », étaient utilisés pour désigner ce que l'on appelle de nos jours l'« Etat ». Aujourd'hui la définition du mot « Etat » donnée par le dictionnaire est la suivante : « l'Etat désigne la personne morale de droit public qui, sur le plan juridique, représente une collectivité, un peuple ou une nation, à l'intérieur ou à l'extérieur d'un territoire déterminé sur lequel elle exerce le pouvoir suprême, la souveraineté. » Ainsi, l'Etat suggérerait l'idée de stabilité, de seul détenteur de la souveraineté et d'une forme d'organisation particulière comprenant les institutions politiques et administratives.
[...] L'expression société civile sert également à définir le peuple, et ainsi à disqualifier la politique et les politiques jugés corrompus. C'est avec ce souci de restauration démocratique que furent nommés des ministres issus de la société civile Ces nominations avaient également pour but l'« oxygénation de la vie politique, ainsi que l'entrée au gouvernement d'« experts capables de résoudre des situations que les politiques, qui par leur incompétence, ne pouvaient qu'aggraver. Ces oppositions traditionnelles entre les deux termes ne sont pas les seules ; nous allons en effet voir dans la seconde partie des conceptions prenant en compte plus de nuances et d'interactions. [...]
[...] Faut-il alors envisager l'« État et la société civile comme irrémédiablement opposés ou bien comme des structures ayant des relations beaucoup plus complexes ? L'analyse de cette problématique se fera autour de deux parties, la première consacrée à l'opposition traditionnelle dans la philosophie entre État et Société civile qui sera dépassée, dans la seconde partie, par l'analyse hégélienne et par les modèles totalitaires. L'opposition traditionnelle entre État et Société civile Les analyses du passé relèvent une opposition systématique de la société civile Le terme de société civile peut en effet être opposé à de multiples notions, elle a pu par exemple s'opposer à la notion de famille ou de peuple comme indiqué précédemment. [...]
[...] Avec la crise actuelle, les dirigeants semblent avoir enterré l'idée de l'État minimal et du recours à la société civile. Ces mêmes décideurs avaient en effet oublié que la société civile est un lieu de conflits : conflits de générations, conflits entre entreprises, conflits entre professions, conflits entre patronat et syndicats, conflits enfin et surtout entre les hommes. Le débat entre société civile et État est souvent considéré comme ayant deux visions, l'une libérale, voulant une autorégulation de la société en se débarrassant des lourdeurs étatiques, l'autre sociale démocrate, souhaitant un contrôle étatique dans le but d'éviter injustice et inégalité. [...]
[...] C'est en ce sens que certains disciples de Saint Augustin, reprenant à leur compte les théories de leur maitre, opposeront cité terrestre autrement dit l'État, et cité céleste l'Église. La distinction entre société civile et état de nature sera également structurante pour les intellectuels au cours des XVII et XVIIIes siècles. La société civile permettant d'éliminer l'état de nature, c'est-à-dire la guerre de tous contre tous évoquée par Hobbes dans le Léviathan. Cette société civile serait à l'origine de la création d'une forte entité politique : l'État, qui permettrait la canalisation de la violence inhérente à l'homme. [...]
[...] La fusion entre société civile et État La conception de Hegel veut que l'État soit un préalable à l'existence de la société civile, mais durant la Révolution française le peuple de Paris, que l'on peut qualifier de société civile était présent et ce avant l'existence d'un État de droit organisé et régulé. C'est en proposant cet argument que Marx renverse la théorie hégélienne, la société civile est en effet pour lui l'infrastructure de la société. En ce sens, Marx accorde une priorité à la société civile qui est selon lui dépendante de l'économie et traversée par le droit et la politique. [...]
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