Dans la société primitive, à l'époque où les hommes vivaient par petits clans, aux premiers degrés du développement, dans un état voisin de la sauvagerie, une époque dont l'humanité civilisée moderne est séparée par des milliers d'années, on n'observe pas d'indices d'existence de l'État. On y voit régner les coutumes, l'autorité, le respect, le pouvoir, dont jouissaient les anciens du clan.
Dans le "Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes ", Jean-Jacques Rousseau écrit qu'il aurait "voulu vivre et mourir libre, c'est-à-dire tellement soumis aux lois que ni moi ni personne n'en pût secouer l'honorable joug ; ce joug salutaire et doux, que les têtes les plus fières portent d'autant plus docilement qu'elles sont faites pour n'en porter aucun autre."
Il semble élémentaire que l'Etat allie savamment les deux notions de domination et de protection. En effet, il se doit, de par sa nature, d'assurer la viabilité de son modèle pour ses citoyens, défendre ces derniers, que ce soit en les protégeant des autres hommes, ou des aléas de l'existence, notamment en matière sociale. Il doit assurer les libertés en imposant son autorité, mais ne doit tout de même pas tomber dans des dérives autoritaires, voire totalitaires.
On peut alors se demander de quelle façon et dans quel cadre l'Etat, de par l'ambivalence entre son rôle de protection et de domination, assure ou non, les libertés de ses citoyens.
[...] Comme le théorise Hobbes dans Le Léviathan, à l'état de nature, les Hommes sont puissance et désir, ce qui les amène à un état de terreur perpétuelle. La morale ne conditionne pas leurs actes et par conséquent, la liberté absolue engendre la terreur et rend le monde invivable. Afin de s'assurer de leur protection, les hommes ont trouvé la solution : ils aliènent leur liberté au bénéfice de l'Etat. Ce dernier doit alors disposer d'un pouvoir absolu, qui est indivisible et illimité. Ceci afin d'assurer la sécurité et la survie des individus. [...]
[...] Pour Pierre Rosanvallon, l'Etat providence n'est que l'extension des formes de souveraineté de l'Etat protecteur, c'est à dire une extension de l'Etat hobbesien car la garantie des droits individuels passe aussi par la protection des droits sociaux. Une première ébauche de l'État-providence (le Sozialstaat) a vu le jour en Allemagne. Le chancelier Bismarck y a alors mis en place un système d'assurances sociales afin de contrer l'influence grandissante du socialisme au sein d'une classe ouvrière en plein développement. Si l'on prend l'exemple français, à partir de 1945, l'État devient omniprésent, protecteur, dispensateur et redistributeur de bien-être. L'État-providence remplace alors l'État gendarme. [...]
[...] En premier lieu, on peut se demander s'il existe des protections, des limites, à la domination de l'Etat. Un problème majeur quand on discute de la prétendue nécessitée de l'Etat est le fait que toutes ces discussions ont lieu dans un contexte où l'Etat existe depuis des siècles, et où le peuple a pris l'habitude de cette domination. Les populations se sont résignées à l'existence de l'Etat, perçu comme un fléau, mais un fléau naturel inéluctable, le seul capable de s'assurer de leur survie. [...]
[...] Dans l'État, la liberté devient objective et se réalise pleinement. Tout ce que l'homme est, il le doit à l'État : c'est là que réside son être. Toute sa valeur, toute sa réalité spirituelle, il ne les a que par l'État On peut toutefois déceler dans la pensée hégélienne la tentation totalitaire : une apologie de l'État qui conduit à l'affirmation l'État est tout, et le destin du philosophe hégélien italien Giovanni Gentile, un hégélien qui devient un des penseurs du fascisme italien, pourrait paraître emblématique. [...]
[...] Le concept d'un Etat libéral limité recèle d'autres failles et incohérences. En effet, les philosophes politiques et notamment ceux qui prônent un Etat limité admettent généralement que l'Etat est nécessaire à la création et au développement du droit, ce qui est historiquement inexact. La plus grande partie du droit, notamment la partie la plus libertarienne est issue non pas de l'Etat mais des institutions non étatiques que furent les coutumes tribales, les juges et tribunaux de droit commun, le droit commercial et les tribunaux de marchands De plus, de nombreux auteurs tels Nietzsche vont même jusqu'à déclarer que l'État, c'est le plus froid de tous les monstres froids. [...]
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