« L'État est la personnification juridique de la Nation ». Cette conception de la nation née sous la plume du juriste français Adhémar Esmein à la fin du 19e nous séduit par la simplicité du lien qui lie ces deux notions. En effet ce principe visant à définir l'État comme la représentation juridique de la Nation a dominé l'histoire du 20e et s'est vu sanctifié par le principe d'autodétermination affirmé par les Nations unies en 1945 qui a permis aux Nations qui le souhaitaient de fonder leur propre État.
Cependant, il apparait nécessaire d'examiner ce sujet en prenant en compte la période de crise mondiale que nous vivons et qui ne cesse de faire ressortir la tendance au repli identitaire ainsi que les mouvements de nationalisme et par la même occasion accentue la crise de l'État-nation. Nous devons donc nous placer dans la réalité de la conjoncture sociale et politique actuelle afin de traiter de façon cohérente ce sujet.
Afin de délimiter clairement notre sujet, tâchons de définir les termes qui lui sont inhérents. L'État correspond à l'établissement et la vie sur un territoire déterminé d'un groupe d'individu soumis à un pouvoir politique ; cette définition regroupe ainsi les trois caractères essentiels de l'état : le territoire, le pouvoir politique et enfin la population. La Nation, quant à elle, se définit tantôt comme une entité abstraite en tant que détentrice de la souveraineté, tantôt comme une collectivité humaine en tant que source et fondement de cette souveraineté. Enfin, le terme personnification qui met en lien ces deux notions peut être saisi comme l'attribution de caractères humains à une entité abstraite. Ainsi, il est possible de comprendre le sujet comme une interrogation sur l'attribution de la souveraineté que détient le peuple à l'État, sur le fait que la nation confit son pouvoir à l'État. Le sujet est donc dominé par une des composantes de l'état : la population.
[...] La Souveraineté nationale implique l'existence d'un régime représentatif de la Nation. L'état est ainsi la personnification juridique de la nation dans le sens où il n'est là que pour exercer les prérogatives de la souveraineté que lui confère la nation. Carré de Malberg dans Contribution à la théorie générale de l'État défend ce principe en affirmant en même temps que ces prérogatives sont la défense de l'intérêt des intérêts de la Nation : La souveraineté, ou puissance étatique, ce n'est pas autre chose, en effet, que le pouvoir social de la nation, un pouvoir qui est essentiellement national en ce sens et par ce motif qu'il se fonde uniquement sur les exigences de l'intérêt de la nation et qu'il n'existe que dans cet intérêt national Afin d'exercer ces prérogatives de la même manière que le ferais chaque national et ainsi afin d'être le parfait représentant de la Nation l'état doit être en mesure d'assumer ses fonctions. [...]
[...] La souveraineté originairement en la possession de la Nation française se trouve diffusée au travers de l'Europe. Sur le plan communautaire on peut également relever le fait que depuis le traité de Maastricht nous sommes en présence d'une citoyenneté européenne. Pour permettre la mise en œuvre de cette citoyenneté, la constitution a été révisée et dorénavant l'article 88-3 ouvre la possibilité pour les citoyens de l'Union Européenne qui résident en France de voter aux élections européennes et aux municipales. Avec cette citoyenneté on s'oriente vers une communauté politique qui transcende le cadre national. [...]
[...] Le modèle d'État dont l'Europe a hérité du XIXe siècle se trouve ainsi confronté à une accumulation de facteurs de crise. Celle-ci se traduit souvent par une crise identitaire. Mais outre les manifestations sporadiques ou plus durables de poussées d'extrême droite, il apparaît manifestement une tension ou un découplage entre État et nation. À l'heure de l'érosion ou de l'abolition des frontières intérieures de l'Union européenne, il semble intéressant de se demander si l'Union européenne sera la prochaine représentation des Nations. [...]
[...] Mais la théorie subjective de la Nation s'est surtout mise en œuvre de façon politique. La nation selon notre définition a été à l'origine du principe des nationalités selon lequel toute Nation a le droit de se constituer en État indépendant. En effet, le 9e des 14 points du président Wilson affirme le principe d'autodétermination aussi appelé droit des peuples à disposer d'eux même. En France ce principe se traduit par le principe du référendum territorial et par l'Article 53 de la constitution qui énonce : L'appartenance nationale ne peut être fondé que sur la volonté expresse de la population : nul territoire ne peut être annexé ou échangé sans la volonté expresse de la population Il y'a donc eu au cours des XIXe et XXe siècles un développement de l'idée de nation en tant que composante nécessaire de l'État et non plus simplement de population. [...]
[...] Par souveraineté on entend ici la souveraineté nationale ; la souveraineté détenue par la Nation et non plus par le monarque. En France, l'article 3 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 pose clairement ce principe de la Souveraineté nationale : Le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément Les hommes de 1789 ont donc cherché à montrer que la souveraineté était détenue par la nation tout entière. [...]
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