L'insurrection est couramment définie comme un soulèvement armé ou une révolte contre le pouvoir en place. L'insurrection se distingue de la révolution en ce qu'elle est un phénomène ponctuel qui n'aboutit pas nécessairement à un changement de régime, alors que la révolution vise clairement un renversement du pouvoir.
L'insurrection se distingue en second lieu du coup d'État du point de vue des acteurs en jeu : dans l'insurrection le peuple s'oppose à un pouvoir en place, dans le coup d'État, ce sont certains membres du pouvoir qui sabotent l'organisation de l'intérieur pour y substituer une autre.
On voit déjà à travers les distinctions posées ce qui peut faire problème quant à la définition de l'insurrection en elle-même. Elle revêt des caractères objectifs apparemment constants : la violence, la soudaineté, l'imprévisibilité, le caractère rhapsodique. Mais surtout, elle contient en elle une dualité, une opposition entre deux forces : le peuple ou certains membres du peuple et le pouvoir en place.
L'insurrection est-elle l'œuvre d'un peuple réuni et unifié ou bien ne contient-elle pas en elle-même des logiques plus individuelles, soumises à la satisfaction d'un intérêt, plutôt qu'à la volonté de rétablir un bien général ? Dès lors, et c'est là que la démarche du philosophe trouve sa place, il est intéressant de s'interroger sur les conséquences d'une telle dualité d'approche.
[...] On constate que l'insurrection se comprend comme l'aboutissement d'un mouvement général de protestation, mais que ce mouvement n'est pas totalement unitaire et unifié. Si les insurgés sont associés les uns avec les autres, ce n'est pas tant parce qu'ils sont mus par un seul et même élan et constitués en un seul corps indivisible qu'en raison d'un ennemi commun : le pouvoir en place. Dès lors, on peut radicaliser cette tendance et se demander dans quelle mesure l'insurrection, n'est pas à entendre comme une pratique politique n'étant pas la révolte ponctuelle contre un traitement jugé unanimement inacceptable, mais bien plutôt un moyen d'assoir la force- ses intérêts personnels ou communautaires. [...]
[...] C'est de cette manière que Locke pense le droit à la résistance dans le Second traité du gouvernement civil. Les hommes sont incapables de vivre en sécurité sans instituer un arbitre de leurs différends quant aux limites des droits que la loi de nature leur accorde. Ils passent donc un contrat par lequel ils s'engagent à considérer la communauté toute entière comme l'arbitre de ce dernier ressort investi du droit de trancher souverainement leurs conflits. Mais pas il n'est pas souhaitable que la communauté exerce elle-même le droit. [...]
[...] Il va essayer de replacer l'insurrection au sein d'une logique. Il y a déjà matière à problématiser à l'intérieur même de cette démarche de l'historien : en effet, la conception commune de celle d'un évènement ponctuel et inorganisé. Or, faire de l'insurrection, sinon l'aboutissement, du moins un simple élément d'une série causale plus large, c'est en nier le caractère fondamentalement naturel, voire instinctif et imprévisible. De plus, envisager l'insurrection dans un laps de temps plus long, c'est se donner la possibilité de penser des variations dans les revendications ou les mouvements. [...]
[...] Il concède cependant qu' un changement de la constitution (vicieuse) de l'Etat peut être nécessaire mais elle ne doit pas, selon lui, être accomplie par une révolution du peuple, mais par une réforme, œuvre du souverain lui-même. Kant distingue alors une résistance légale et une résistance illégale. Il est possible pour le peuple de résister, mais c'est toujours une résistance négative, c'est-à-dire un refus du peuple consistant à ne pas toujours consentir aux exigences que le gouvernement avance sous prétexte de l'administration de l'Etat Il est impossible de faire du droit à l'insurrection (donc, pour reprendre les termes de Kant, une résistance active) l'objet d'une loi. [...]
[...] Nous aboutissons donc à une caractérisation qui semble plutôt unifiée de l'insurrection : elle est une rébellion violente et spontanée d'un peuple contre un pouvoir en place dont les décisions et actions sont considérées comme intolérables. Ce mouvement se constitue d'un seul bloc unanime et solidaire. Cependant, cette caractérisation de l'insurrection ne se fonde que sur l'examen de l'insurrection comme fait ponctuel et déterminé dans le temps. Elle répond à l'image courante que l'on se fait d'un mouvement insurrectionnel : une étincelle ou le feu aux poudres. Or, même l'historien ne se contente pas d'une analyse d'un seul fait. [...]
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