A travers ce court extrait de la lettre III des droits et des devoirs du citoyen, Gabriel Bonnot de Mably reprend le postulat de la théorie politique lockienne. La nature du pouvoir politique chez Locke trouve son origine dans les lois naturelle qui préfigurent l'entrée en société de l'être humain. La pensée politique lockienne s'inscrit ainsi dans la continuité des jusnaturalistes de l'école de Salamanque au 16ème siècle tels Fransisco Vitoria ou Fransisco Suarez qui élaborent avec l'expérience de la colonisation de l'Amérique une conception du droit et du genre humain qui rompt avec la tradition chrétienne. Ce sont les jusnaturalistes Hugo Grotius, dans De jure belli ac pacis en 1625 et Samuel Von Pufendorf dans De jure naturae et gentium en 1672 qui vont en reprenant les théories de l'école de Salamanque servir de base à la réflexion philosophique et critique des 17ème et 18ème siècles. Locke renoue donc avec cette tradition humaniste dans ses réflexions sur la nature et l'exercice des pouvoirs politiques, il est l'un des premiers théoriciens à affirmer la nécessité de déclarer le droit naturel et de subordonner l'exercice de tous les pouvoirs aux principes déclarés. Sa conception du droit naturel suppose une théorie rationnelle des pouvoirs qui doit veiller à la modération de leur exercice et au respect des fins qui leurs sont assignés. Nous reviendrons sur ces questions qui sont au cœur de notre analyse.
John Locke est né en 1632 à Wrington un village de la province du Somerset et décède à Oates dans l'Essex en 1704. Issu d'une famille puritaine relativement modeste, il incarne une génération d'intellectuels marquée par les évènements particulièrement tumultueux de l'Angleterre de cette époque. La pensée de l'Enlightenment est en effet nourrit par l'expérience doublement révolutionnaire de l'Angleterre du 17ème siècle. Les luttes contre les tentatives absolutistes de la dynastie des Stuarts divise alors le pays en deux, opposant les partisans de la Couronne aux partisans du parlement regroupé autour de Cromwell qui à la suite d'une véritable guerre civile proclame la République en 1649 après l'exécution de Charles Ier. Locke conçoit l'absolutisme comme une forme despotique de pouvoir dépourvue de raison et aux conséquences destructrices pour l'humanité. En 1652, il entre au Christ Church College d'Oxford étudier la logique et la métaphysique. Il apprend également les lettres classiques, la rhétorique et se passionnent progressivement pour la médecine. Quatre ans après la restauration et la montée sur le trône de Charles II, Locke publie sa première œuvre Essais sur la loi de nature, inspirée par Richard Hooker, dans laquelle il reconnaît l'existence de lois naturelles inscrite par Dieu dans l'ordre du monde et qui fonde la sociabilité naturelle de l'homme.
En 1966, Locke rédige un ouvrage essentiel connu sous le nom d'Essai sur la tolérance. Locke y analyse l'intolérance qui règne alors en Angleterre et qui génère des passions humaines dévastatrices dans les domaines politiques et religieux. La notion d'équilibre comprise comme un bon usage de la raison est alors au centre de sa réflexion. C'est à cette époque que Locke fait la connaissance de Lord Ashley, comte de Shaftesbury et Chancelier de l'Echiquier qui devint le chef du parti de l'opposition. Locke s'engage auprès de celui-ci comme médecin personnel et l'on peut estimer que c'est en parti à son contact que Locke a forgé ses talents de philosophe. Locke qui occupa un temps des fonctions publiques subalternes aux côtés de Shaftesbury du s'exiler en France lorsque celui-ci se vit accuser de républicanisme par Charles II. A leur retour en 1679 Shaftesbury récupéra ses fonctions avant de devoir de nouveau s'exiler accompagné de Locke, face aux outrances et abus répétés du roi. Locke anti- absolutiste convaincu s'engagea politiquement sous la bannière libérale des Whigs. C'est en exil en Hollande que Locke entreprend l'élaboration de sa philosophie politique, tandis que la Glorious Révolution de 1688 entreprise par Guillaume d'Orange voyait triompher les idées politiques libérales. La monarchie absolutiste fait alors place à une monarchie constitutionnelle, de tradition parlementaire, qui trouve sa légitimité dans le peuple.
Rentré d'exil en 1690 Locke peut alors exprimer sereinement sa pensée politique fruit d'une vie entière de réflexion intellectuelle et d'engagement politique. C'est à cette date que sont publiés les Deux Traités du gouvernement civil, qui raisonnent comme une apologie de la Glorieuse Révolution. Le premier traité s'apparente à une vigoureuse réfutation des thèses absolutistes du Patriarcha de Filmer tandis que le second traité cherche à découvrir « l'origine, les limites et les fins véritables du pouvoir civil ». Les deux traités doivent néanmoins être conçus comme une œuvre unitaire le premier traité permettant l'intelligibilité du second. Locke y analyse le passage de l'état de nature à la société civile ainsi que l'institution d'un gouvernement. La notion d'équilibre est au cœur de sa théorie des pouvoirs. Il entend montrer que le pacte d'association qui fonde la société civile est un acte rationnel qui vise à la protection et à la conservation des droits naturels de chaque individu. Les pouvoirs sont ainsi institués à des fins délimitées, et leur exercice soumis au primat du droit naturel. L'ouvrage retentit alors comme une critique de l'absolutisme monarchique et de toutes les formes despotiques de pouvoir.
Ainsi, dans quelle mesure peut-on considérer chez Locke la société civile comme un perfectionnement de l'Etat de nature, et en quoi la théorie des pouvoirs qu'il propose s'apparente-t-elle à un remède contre l'ordre absolutiste et contre toute forme tyrannique de pouvoir? Afin de saisir la conception du pouvoir civil chez Locke nous analyserons l'ossature juridique de la société civile appréhendée comme une république de droit naturel, pour aborder ensuite l'équilibre des pouvoirs au travers de la structure institutionnelle qu'il envisage comme un rempart à toute forme de despotisme.
[...] La liberté et sa réciprocité qui fondent l'égalité considèrent l'homme comme une fin en soi et non comme un moyen. La liberté est alors conçue en dehors du rapport dominant dominé Universalité du genre humain et sociabilité naturelle. La vie humaine naturelle impose des relations avec d'autres et donc des accords. Les hommes se trouvent dans un état de liberté réciproque. Les êtres humains ont une commune nature et usent des mêmes facultés. La liberté ne signifie pas la licence, une loi naturelle à la fois divine et rationnelle, régit la pluralité humaine. [...]
[...] Tels sont les deux impératifs préalables à une pensée constitutionnelle. Les pouvoirs constituants et juridictionnels ne trouvent pas chez Locke de caractère formel dans une chartre institutionnelle, mais en sont le caractère essentiel et obligatoire. Le pouvoir juridictionnel au sens d'Aristote, de Locke, de Montesquieu ou de la constitution actuelle des Etats-Unis est l'une des raisons du contrat social tout comme il en est l'une de ses réalisations : il indique le caractère proprement juridique de la société politique. Le pouvoir constituant est lui directement lié au pacte. [...]
[...] Thèse de Doctorat sous la direction de Didier Deleule John Dunn, La pensée politique de John Locke, Paris, Presses Universitaires de France Bernard Gilson, L'apport de Locke à la philosophie générale et politique, Vrin, Paris Raymond Polin, La politique morale de John Locke, Presses Universitaires de France, Paris Simone Goyard Fabre, John Locke et la raison raisonnable, Vrin, Paris Jean-Louis Fyot, Essai sur le pouvoir civil de John Locke, Presses Universitaires de France, Paris Charles Bastide, John Locke : ses théories politiques et leur influence en Angleterre : les libertés politiques, l'Eglise et l'Etat, la tolérance, Leroux, Paris Nous renvoyons à propos de cette question controversée à l'ouvrage de S. Goyard Fabre, John Locke et la raison raisonnable, Vrin, Paris, 1986. [...]
[...] Les pouvoirs sont ainsi institués à des fins délimitées, et leur exercice soumis au primat du droit naturel. L'ouvrage retentit alors comme une critique de l'absolutisme monarchique et de toutes les formes despotiques de pouvoir. Ainsi, dans quelle mesure peut-on considérer chez Locke la société civile comme un perfectionnement de l'Etat de nature, et en quoi la théorie des pouvoirs qu'il propose s'apparente-t-elle à un remède contre l'ordre absolutiste et contre toute forme tyrannique de pouvoir ? Afin de saisir la conception du pouvoir civil chez Locke nous analyserons l'ossature juridique de la société civile appréhendée comme une république de droit naturel, pour aborder ensuite l'équilibre des pouvoirs au travers de la structure institutionnelle qu'il envisage comme un rempart à toute forme de despotisme. [...]
[...] Ce n'est donc jamais la volonté qui s'exprime au travers de la résistance, mais toujours la force de la loi de la loi naturelle Le pouvoir fédératif : La république exerce aussi un autre pouvoir que Locke qualifie de naturel, il le nomme pouvoir fédératif. La république doit pourvoir à la protection de ses membres au dehors et le cas échéant à la réparation de préjudices qu'ils subissent d'Etat ou d'individus étrangers. Ce pouvoir inclut le droit de faire la guerre et la paix ainsi que de former des alliances. Tout comme le pouvoir exécutif, son exercice peut nécessiter le recours à la force qui s'applique ici en dehors des frontières de la société civile. [...]
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