Lors de l'apparition de l'idée de République qui date du Siècle des lumières (XVIIIe siècle), l'Eglise est une institution qui date de plus d'un millénaire, soutien habituel et traditionnel de la monarchie et le catholicisme la religion majoritaire de la plupart des pays de l'Europe occidentale. L'idée républicaine quant à elle était conçue à cette époque comme subversive, novatrice, minoritaire, défendant des idées modernes et dont le cheval de bataille était l'anticléricalisme. Alors qu'au début du XIXe siècle on voit s'opposer l'« esprit du siècle » qu'incarnerait l'idée républicaine à la force obscurantiste que serait l'Eglise, force est de constater que désormais ce n'est plus la question du régime qui pose problème, l'Eglise se préoccupant plus du Politique de façon globale, allant jusqu'à promouvoir les valeurs républicaines que sont la démocratie et la laïcité.
En, effet, un nouveau rapport de forces apparaît, la République s'étant mutée et ayant prouvé sa capacité à assurer l'ordre et à être soutenue par la majorité des Français, tandis que l'Eglise, parallèlement, est de moins en moins écoutée en ce qui concerne son discours politique qui est peu à peu relégué dans les sphères morale et sociale. Comment deux institutions aussi frontalement opposées et qui se sont tant combattues à la fin du XVIIIe siècle ont pu, chacune de leur côté, évoluer dans leurs rapports jusqu'à se concilier voire se soutenir actuellement ?
[...] Par ailleurs, au même moment, l'idéologie républicaine est avant tout une idéologie de subversion vis-à-vis de l'ordre établi, une idéologie révolutionnaire qui sape les institutions et combat l'Église. Entre 1830 et 1840, elle est défendue par une minorité d'individus. Implanté seulement dans quelques régions (Paris, Lyon, Franche-Comté, Midi), les républicains sont peu soutenus. En 1835, le procès des accusés d'avril permit d'emprisonner ou de déporter les chefs républicains. L'attentat de Fieschi contre le Roi, servit lui aussi de répression accrue. Les lois de septembre 1835 fixèrent de lourdes peines contre les journalistes et les caricaturistes. [...]
[...] Il y a donc une réciproque évolution, dont les traits en ce qui concerne la république sont caractéristiques. Son combat anticlérical n'a plus lieu d'être, ses valeurs se modifient. Elle devient plus attachée à la tolérance et au respect du pluralisme et même de l'enseignement libre (malgré les tentatives d'évincement sous Mitterrand qui ont montré leurs limites). S'il y a bien retournement dans les valeurs défendues par la république depuis qu'elle n'est plus mise en danger par la force conservatrice qu'est l'Église, cette dernière aussi modifie ses principes politiques. [...]
[...] Enfin, c'est la loi de décembre 1905, de séparation de l'Église et de l'État qui fait de la République française une République pleinement laïque. On constate donc une certaine forme de continuité dans le laïcisme républicain à cette époque, pourtant d'un radicalisme anticlérical triomphant au début du XXe siècle, la France va passer à une politique religieuse plus conciliante. La Première Guerre mondiale est la raison principale de ce changement, les catholiques français ayant participé unanimement à l'union nationale, la victoire du bloc national et l'arrivée d'Aristide Briand à la présidence du conseil puis celle de Raymond Poincaré en 1922 marque la naissance d'une République conciliante vis-à-vis de l'Église. [...]
[...] Organiser l'Humanité sans Dieu C'est dire si la république radicale du début du siècle ne semblait guère favorable à un rapprochement avec l'Église. Et pourtant, quelques décennies plus tard, la réconciliation était absolue. De la République anticléricale à la République conciliante Contrairement à ce que l'on peut imaginer, la répression de l'insurrection de la commune n'a pas ébranlé les convictions républicaines des Français. En effet, aux yeux des groupes dominants la société française, et notamment les catholiques, la République s'est trouvée renforcée par ces événements en prouvant sa capacité à maintenir l'ordre social. [...]
[...] Son rôle s'est donc fortement amoindri. Si de nos jours, ce ne sont plus des rapports conflictuels qui animent les rapports entre Église et république, c'est aussi parce que celle-ci a fait un certain retour sur soi-même de manière plus profonde. Le concile Vatican II est en bonne partie à l'origine de ce travail sur soi afin de se concilier avec la vie moderne et partant, la vie politique de la république. L'Église a rappelé à cette occasion la liberté de choix et la nécessité du pluralisme à travers le rappel du in dubiis libertas ».Cet aggiornamento fut décisif. [...]
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