Spinoza considérait comme normal à l'état de nature que le « gros poisson mange le petit », autrement dit, que le fort l'emporte sur le faible. Il raisonnait selon la logique du droit du plus fort. Mais accorder à chacun ce qui lui est dû –c'est-à-dire être juste, dans le sens le plus courant du terme- ne suppose-t-il pas de donner aussi au plus faible ?
[...] Pour CALLICLES, pour qui le vrai droit devrait être celui du plus fort –comme dans l'état de nature que nous avons décrit- les lois, instituées par la grande majorité des faibles face aux forts, ne sont que volonté de puissance. Ce droit du plus faible se présentant comme une simple volonté d'égalité masque un fait un désir de dominer les forts de la part des faibles. Quoi qu'il en soit, on voit que le droit du plus faible compris comme un droit imposé par les faibles ne saurait être qualifié de droit. Si seuls les faibles décident du droit, où se trouve l'exigence d'universalité et de raison de la justice ? [...]
[...] Fonder le droit sur ces simples motivations serait une injustice. En effet, la justice doit nécessairement relever avant toute chose de la raison et non pas des sentiments. Ceci nous amène au troisième danger véhiculé par un droit de plus faible compris comme une volonté aveugle de défavoriser le fort au profit du faible : c'est de tomber dans une pure logique d'assistance, de valorisation de la faiblesse et de plus inciter les hommes à se surpasser, à exprimer leur puissance (dans un sens positif). [...]
[...] C'est ici la question du droit du plus faible qui se pose. Nous pouvons d'abord nous demander si nous devons comprendre ce dernier comme une législation instituée par les faibles et qu'elle serait la justification d'un tel droit. Nous devons ensuite nous interroger pour savoir si le droit du plus faible ne relèverait pas plutôt de la société tout entière, d'une volonté de justice pour rétablir l'équilibre face aux forts. Enfin, nous devons nous demander si c'est vraiment la fonction de la justice de vouloir favoriser à tout prix les plus faibles et nous pencher sur les dangers d'une telle attitude. [...]
[...] Il n'y a donc pas de droit du plus faible. On pourrait au contraire parler d'un droit du plus fort même si ROUSSEAU a montré qu'une telle expression est un non-sens. En effet, la justice relève du droit alors que la force relève du fait, et même si les deux existent indéniablement, ils sont de nature différente. En outre, la force varie nécessairement avec le temps le plus fort peut toujours trouver plus fort que soi- alors que le droit est immuable. [...]
[...] Le droit du plus faible offert par la société –consistant à favoriser le faible face au fort à tout prix- n'est donc pas légitime. En outre, le fait de vouloir à tout prix protéger la veuve et l'orphelin comporte un autre danger : celui de tomber dans l'affectivité pure, la pitié, la bouillie du cœur Or, les sentiments ne sauraient être le fondement du droit. Certes le droit exprime ce qui doit être selon l'exigence de la raison humaine, mais il est injuste de vouloir changer tout ce qui est. [...]
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