Longtemps propriété exclusive de la philosophie ou de la religion, la notion de dignité a investi de nombreux domaines au cours du XXe. Présent dans les discours des journalistes, des hommes politiques, des femmes, des salariés, des exclus sociaux, etc. le principe est de plus en plus mobilisé. La place éminente donnée à ce terme ainsi que sa juridicisation croissante semblent traduire une transformation des fondements éthiques et anthropologiques de notre droit au sein de nos sociétés démocratiques. Dès lors, peut-on affirmer que le principe de dignité a définitivement quitté la sphère de la morale, entendue comme un système de valeurs au contenu évolutif dans le temps et dans l'espace orientant les conduites humaines, pour investir celle du droit ?
La résonance si puissante acquise par la notion émane de la Seconde Guerre mondiale. Les procès de Nuremberg jugeant le régime nazi ont révélé que l'homme, par sa barbarie, pouvait faire plus que supprimer la vie ; il pouvait aussi détruire ce qu'il y avait d'humain dans l'homme, autrement dit sa dignité. Ainsi, Jean Pierre Changeux met en évidence qu'« une étape décisive dans l'histoire de la morale de l'humanité a été l'invention du concept de dignité de la personne humaine qui depuis Kant et la Déclaration des droits de l'homme ne peut plus se restreindre à une simple ‘fiction juridique' ».
[...] Une pénétration dans les droits nationaux et supra nationaux La dignité est devenue rapidement un principe de certains droits européen. L'illustration la plus claire se trouve dans la loi Fondamentale allemande adoptée en 1949 qui rappelle dans son article premier que la dignité de l'être humain est intangible Inspirée de cette loi fondamentale, la constitution espagnole de 1978 fait également de la dignité un principe auquel on ne peut déroger. Le droit positif français s'est montré beaucoup plus ambigu et tardif. [...]
[...] La dignité : de la morale au droit Dignité, dignité, j'écris ton nom Paul Eluard. Longtemps propriété exclusive de la philosophie ou de la religion, la notion de dignité a investi de nombreux domaines au cours du XX. Présent dans les discours des journalistes, des hommes politiques, des femmes, des salariés, des exclus sociaux, etc. le principe est de plus en plus mobilisé. La place éminente donnée à ce terme ainsi que sa juridicisation croissante semblent traduire une transformation des fondements éthiques et anthropologiques de notre droit au sein de nos sociétés démocratiques. [...]
[...] On dégage cependant deux sens principaux, à la portée juridique distincte. Une première acception socio-politique consiste à considérer la dignité- dignitas qui distingue les individus dignes de la charge/rang auquel ils sont élevés de ceux qui ne le sont pas. Concrètement aujourd'hui, cela renvoie aux obligations particulières pesant sur des personnes investies de fonctions officielles. Dans certaines professions comme la magistrature ou la médecine, l'individu qui aura par son comportement porté atteinte à la fonction qu'il remplit, autrement dit celui qui se sera montré indigne de sa charge, peut être sanctionné. [...]
[...] Si consensus il y a sur le principe de dignité en lui-même, il n'existe pas d'accord sur les fondements ontologiques de telles valeurs ni par conséquent sur les limites d'applicabilité des principes posés. Ainsi, le cardinal Lustiger décrivait la dignité comme le fondement non fondé de l'ordre juridique Or l'absence de contours juridiques précis peut s'avérer dangereuse: la défense de la dignité dissimulerait un éclatement à l'infini du droit en normes individuelles. Par ailleurs, cela laisse aux juges un pouvoir d'interprétation considérable. B. Le principe de dignité à l'épreuve du droit : vers remise en cause de la notion ? [...]
[...] Le statut juridique de la dignité porte à confusion. Alors que certains élèvent le principe au rang de droit naturel de l'homme, d'autres ne le reconnaissent qu'en tant que droit positif. Un droit naturel implique un droit idéal, donnée naturelle strictement objective, antérieure ou supérieure à toute construction humaine. Or il n'existe de lois qu'humaines. L'actualité prouve bien que la nature n'impose pas de respecter la dignité de l'être humain. Le droit n'est pas donné mais construit et seuls les hommes sont responsables des normes juridiques qu'ils adoptent et du respect qu'ils leur assurent. [...]
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