L'originalité de l'évêque d'Hippone (Algérie) est de faire une place, via l'utilisation d'un vocabulaire particulier, à la dimension politique de l'existence humaine : Augustin parle de la "cité", du "peuple", de la "nation" et du "roi", et confère ainsi sa dignité à l'ordre séculier. Mais il convient de bien faire la distinction entre la cité concrète que représente une organisation politique particulière comme Rome, et les "deux cités" que définit Augustin et qui ne recoupent pas la dualité des deux pouvoirs temporel et spirituel.
[...] S'est alors développée une conception de l'Eglise comme devant présider aux destinées des souverains séculiers par le couronnement et le sacre des rois et des empereurs. Dire en effet que le souverain temporel n'était limité que par Dieu revenait à dire qu'il était limité par l'institution représentant Dieu sur terre, L'Eglise. C'est le coeur de l'idée théocratique : la puissance mondaine ne vaut que divinement justifiée et soumise à l'institution ecclésiastique, l'ordre terrestre devant être placé sous la coupe de la justice divine. Saint Augustin n'a jamais défendu l'idée d'un ordre politique placé sous la coupe du pouvoir spirituel. [...]
[...] Puis, les moeurs politiques s'y sont dégradées, le peuple romain s'étant laissé aller à la rapacité et à la débauche. C'est l'appétit de domination, caractéristique propre de l'amour de soi, qui a causé la perte de Rome, mais, au-delà de sa dégénérescence, l'exemple romain fait la preuve de l'existence d'hommes politiques vertueux, animés par l'amour de la justice et l'aspiration à la concorde. Il y a en effet selon Augustin une sociabilité naturelle de l'homme, une aspiration universellement partagée qui est aspiration à la paix de la cité ; celle-ci est définie comme "la concorde bien ordonnée des citoyens dans le commandement et l'obéissance". [...]
[...] L'une se glorifie en elle-même, l'autre dans le Seigneur . L'une, dans ses chefs ou dans les nations qu'elle subjugue, est dominée par la passion de dominer ; dans l'autre, on se rend mutuellement service par charité, les chefs en dirigeant, les sujets en obéissant" (XIV, 28). A quoi correspondent ces deux cités qui obéissent à deux logiques antagonistes : la logique divine (la vie selon Dieu) et la logique proprement humaine (la vie selon l'homme). La distinction n'a en effet rien à voir avec la séparation historique entre le domaine spirituel et le domaine temporel. [...]
[...] Les élus appelés par Dieu pour peupler la Cité céleste sont mêlés aux réprouvés dans la Cité terrestre, mais ils en seront distingués au jour du Jugement dernier. C'est à la fin des temps que la séparation se fera et qu'apparaîtra la vraie Cité céleste, "cette très sainte et très auguste curie des anges, [dans] cette république céleste où la loi est la volonté de Dieu" 19). Quant à la Cité terrestre, cité des damnés, il faut la distinguer des organisations politiques concrètes La valeur des cités concrètes Ce n'est pas facile de faire la distinction, dans l'oeuvre de saint Augustin, entre les deux cités, célestes et terrestres, et les cités historiques ; dans les deux cas en effet le théologien utilise le même mot : civitas. [...]
[...] La pensée de Saint Augustin n'est pas proprement politique, mais bien plus anthropologique. Le théologien est l'auteur d'une doctrine pessimiste sur la nature humaine qui place chaque individu devant une terrible incertitude : si personne ne peut compter sur ses mérites pour espérer rejoindre la cité de Dieu, comment savoir le sort que Dieu nous réserve ? Cette question demeurera sans réponse jusqu'au XVIIème siècle, quand les néo-calvinistes feront de la réussite séculière une preuve du statut d'élu. Mais c'est une autre histoire . [...]
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