Dante et son De Monarchia : modernité politique et conflit idéologique sur l’idée d’Empire. Quelle Paix, quelle Justice, pour quelle Humanité ?

Résumé du document

On connaît surtout Dante poète, et pourtant Dante a été également un penseur politique très novateur de son époque. Sa vie l'insère dans les luttes entre Guelfes et Gibelins, son œuvre le grave dans l'histoire de la philosophie politique comme étant l'un des précurseurs de la modernité politique. Nous nous proposons ici d'étudier son De monarchia en tant que produit d'un certain contexte, mais aussi et surtout en tant qu'œuvre participant au grand débat sur l'idée d'Empire. Pour cela nous nous sommes notamment appuyés sur Monarchia Universalis de F. Bosbach, en appliquant à Dante sa problématique, à savoir que le concept de monarchie universelle est entre autre central dans toutes les questions de relations internationales, et ce jusqu'au siècle de Louis XIV. Nous nous sommes également servis de la pensée de C. Lefort afin de commenter une œuvre dont la claire intention politique ne doit pas occulter la qualité du raisonnement.

Extraits

[...] Les Noirs, extrémistes, s'allient au pape dans le conflit qui l'opposait au Saint-Empire germanique. Les familles puissantes s'étant partagées entre les deux factions, les prieurs afin de rendre la paix à la ville ensanglantée par leurs combats exilèrent pour un temps les chefs de l'une et de l'autre. Face à la politique de Boniface VIII, que soutiennent les Dante est chargé d'une ambassade à Rome pour chercher à calmer le pape. C'est alors que Charles de Valois accourt à Florence, à la demande de Boniface VIII, en tant que médiateur entre les deux factions, prend violemment le pouvoir et exige l'annulation de la mesure d'exil frappant les Noirs. [...]

[...] Dante, qui voit son rêve de restauration politique de l'Italie brisé, dédia alors son livre De la Monarchie à Louis de Bavière. II/ Un traité inscrit dans la pensée médiévale de la souveraineté universelle Le modèle politique de Dante Dante concevait deux empires également divins sur la terre : l'un temporel, celui des empereurs, successeurs des Césars et des Constantins (Monarchia imperii); l'autre spirituel, celui des papes (Monarchia ecclesiae[2]), empire existant côte à côte avec le premier et lui conférant par l'onction le caractère sacré, vicaire du Christ, mais sans états proprement dits et sans force matérielle que celle de l'empereur mettrait à son service. [...]

[...] Dante et son De Monarchia : modernité politique et conflit idéologique sur l'idée d'Empire. Quelle paix, quelle justice, pour quelle humanité ? On connaît surtout Dante poète, et pourtant Dante a été également un penseur politique très novateur de son époque. Sa vie l'insère dans les luttes entre Guelfes et Gibelins, son œuvre le grave dans l'histoire de la philosophie politique comme étant l'un des précurseurs de la modernité politique. Nous nous proposons ici d'étudier son De monarchia en tant que produit d'un certain contexte, mais aussi et surtout en tant qu'œuvre participant au grand débat sur l'idée d'Empire. [...]

[...] De plus, comme le souligne F.Bosbach, il y a pendant cette période une différence considérable entre les faits observables et les traités politiques : il semble que les abstractions aient souvent oublié en chemin la réalité du temps, même chez Dante. Ainsi soulignons simplement son aveuglement et ses faux espoirs envers la personne de Henri VII, bien incapable, de par la puissance de ses adversaires, le Pape comme les rois de Naples, de représenter le renouveau impérial (la figure du principe nuovo) tant loué par Dante et appelé de ses vœux. [...]

[...] Néanmoins il déclare que la félicité immortelle est avant tout le but chrétien. En cela il simplifie son message : lui est défenseur du pape qui ne cherche pas à se faire l'égal de Dieu en ayant pouvoir sur les deux royaumes, et reconnaît en ce cas la suprématie du pape, en terme de grâce. Il rejette donc tout conflit d'autorité entre les deux pouvoirs universaux, signe selon lui d'un oubli ou d'un dévoiement de la volonté divine (citation p.241) ( on retrouve bien ici la relation de paternitas, et non celle de dominatio. [...]