Les discussions sur la citoyenneté sont au cœur de l'analyse des démocraties modernes. C'est pour autant un concept délicat, difficile à définir et à délimiter. Le concept même de citoyenneté est par exemple difficilement compatible avec la situation des gouvernés dans un régime autoritaire ou totalitaire.
On peut partir de deux contraires absolus : le citoyen et l'étranger. Le terme sujet peut évoquer la position d'un individu qui n'a pas de droit, ou très peu, placé dans une situation de domination, de dépendance presque totale. Distinction qu'on retrouve à Athènes : il y avait les citoyens, sujets, étrangers, métèques, donc extrêmement précis avec une gradation et au sommet le citoyen.
La notion de citoyenneté est également liée à la construction d'Etat-Nation. On parle de citoyen à partir du moment où l'on parle de Nation. Dominique Schnapper, fille de Raymond Aaron, montre dans "La communauté des citoyens" que l'idée de citoyenneté s'explique d'abord dans certains contextes historiques. On ne parlait pas de citoyen dans l'Ancien Régime, sous le système monarchique, on parlait de sujet du roi. A partir du moment où le système monarchique disparaît, il faut reconstruire idéologiquement le lien politique. On le construit de façon horizontale et non plus verticale (lien de sujet au roi). Le lien entre les citoyens, le tissu social est horizontal et repose sur un principe, celui d'égalité des citoyens. Ce lien horizontal, cette communauté des citoyens est historiquement une façon de combattre la diversité.
L'égalité des citoyens est-elle compatible avec leur diversité ? La construction en France de la citoyenneté est passée par un combat entre les différentes identités subnationales de façon à imposer une identification à la Nation et à créer de l'unité au sein de la communauté politique. Cette construction passe également par une diffusion de la connaissance. Cela passe aussi par tout une série de rituels de mélange : inégalité et diversité naturelle des acteurs sociaux et de l'autre côté l'égalité et universalité de la figure du citoyen.
Ce lien historique tend à être remis en question. Il y a depuis longtemps des tensions entre la construction nationale et les réticences locales ou minoritaires. Certains réclament la mise en place de citoyennetés diverses, multiples, voire locales, ou culturelles. Cette diversité est difficilement compatible avec l'idée de nation.
Les analyses sur la citoyenneté se regroupent autour de deux thèmes : l'idée que la citoyenneté contemporaine est d'abord le produit d'une construction historique autour du principe d'égalité, et les dimensions de la citoyenneté.
[...] Le problème qui se pose est le problème de l'égalité. Il en existe beaucoup d'interprétations différentes. Il y a en effet une lutte permanente entre égalité et diversité. Cette égalité est à la fois une fiction, un postulat théorique, presque une métaphore, et à la fois elle explique bien des difficultés et des critiques autour du concept de nationalité. L'idée fondamentale est celle d'une rupture entre l'individu réel, l'individu particulier, avec son histoire, son identité personnelle, son positionnement social, et d'une autre coté le citoyen abstrait et universel. [...]
[...] Les risques du multiculturalisme sont les risques d'une dérive multiculturaliste qui serait dangereuse pour l'intégration sociale et donc la solidarité de l'ensemble politique. ( Passage du melting pot (fusion des identités au sein d'un même patriotisme, d'une même conception de la société, d'une même citoyenneté) au salad bowl (juxtaposition et non-fusion d'éléments très différents, la citoyenneté publique servant de maigre lien entre ces éléments qui restent séparés les uns des autres). Une autre littérature met en évidence, pour dépasser ces diversités, des éléments dont on a un peu perdu la saveur en France, mais qui restent forts aux États-Unis par exemple: les éléments symboliques du patriotisme. [...]
[...] Ce sont des révolutions libérales avant d'être démocratiques, à l'exception des États unis qui eux ne détruisent pas : ils construisent à partir de rien. En Europe il s'agit d'abord d'une orientation libérale, de préserver l'existence d'une sphère de libertés (opinion, croyance, expression, propriété, l'Habeas Corpus (rupture avec l'arbitraire judiciaire monarchique), etc.), d'instituer progressivement le principe de représentation politique permettant de traduire dans les instituions politiques un nouveau principe de légitimité : la volonté des gouvernés. L'idée de citoyenneté est liée à ce phénomène de construction historique, politique et sociale. [...]
[...] La citoyenneté à la française a son origine dans la Révolution qui met fortement l'accent sur la distinction entre la sphère publique et la sphère privée. Toutes les appartenances diverses sont classées, rangées, dans la sphère privée : c'est la condition de l'égalité des citoyens dans la sphère publique. À l'inverse la tradition anglo-saxonne amoindrit la rupture public/privé : ce sont les individus réels qui sont d'abord pris en considération. Cela reflète essentiellement la conception libérale de la citoyenneté, qui va se démocratiser très rapidement. [...]
[...] C'est selon eux un excès de volontarisme et de rationalisme. La supériorité du citoyen abstrait sur l'individu concret est à la base de la dérive totalitaire : l'égalité (le tout) l'emportant sur la diversité. En refusant la diversité, on ouvrirait la porte sur des dérives totalitaires. Des critiques initiées par le marxisme et développées par la suite, qui dénoncent les illusions d'une démocratie formelle, le principe d'égalité proclamé des citoyens se servirait qu'à masquer et à faire accepter les inégalités réelles, sociales et économiques. [...]
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