C'est à Michel Foucault que revient l'introduction d'un concept novateur : celui de biopolitique, sous forme d'une ébauche qui sera l'objet de développements futurs. En 1976, dans ses ouvrages Il faut défendre la société (cours au Collège de France) et La Volonté de Savoir, il expose et développe ce qu'est la biopolitique, pourtant il n'y consacre pas l'essentiel de sa réflexion et il semblerait que la question de la biopolitique y reste à l'état rudimentaire. Il reprend certaines notions dans Sécurité, territoire et population ou dans Naissance de la biopolitique (cours au Collège de France 1977-1979) en recoupant en toute complémentarité son analyse sur l'anatomo-politique avec l'idée neuve de biopolitique, mais sans toutefois aller plus en profondeur dans le développement de ce concept.
S'en tenir à dire que la biopolitique représente chez Foucault une considération secondaire reviendrait à dépourvoir de sens l'importance qu'il a voulu porter à cette notion. On préférera alors aborder le problème autrement et discuter le fait que, si la biopolitique est mal ou peu théorisée dans les œuvres de Foucault et si les bases de ce concept restent à défricher encore et toujours, c'est que l'introduction de la biopolitique marque avant tout chez Foucault une transition, une phase de son évolution.
L'apparition de la biopolitique chez Foucault marquera un tournant dans les théories foucaldiennes et fait apparaître un Foucault de la subjectivation. Et à l'articulation de toutes les théories foucaldiennes, il y a la biopolitique. Elle est née des lacunes de l'articulation du couple savoir / pouvoir (L'Archéologie du savoir) et se nourrit de gouvernementalité (étendue au gouvernement de soi). Mais il s'agit avant tout du problème du SUJET, en d'autres termes de subjectivation . Elle partira d'une exclusion de l'homme sujet, remplacé par des technologies de pouvoir inhérentes à la biopolitique, puis prendra la forme de domaines d'exercice du pouvoir nés d'un savoir : le sujet devient objet de savoir, c'est l'objectivation, pour enfin substituer à l'association savoir / pouvoir la triade foucaldienne savoir / pouvoir / sujet : c'est la subjectivation.
[...] L'anatomo-politique renvoie à la discipline là où la biopolitique appelle à la régulation. Il y a pourtant une faille : comment en se débarrassant du sujet, peut-on analyser l'objet d'un pouvoir lui-même dépourvu de sujet ? Et les populations concrètement, jusqu'à quel point sont-elles considérées ? L'anatomo-politique ou politique du corps humain L'anatomo-politique est née avec l'apparition des technologies disciplinaires visant à mettre fin à la liturgie des supplices héritée du modèle médiéval. Ce modèle, basé sur le fonctionnement de l'armée, vise la gestion et le contrôle des corps et des esprits : ce n'est plus le corps supplicié, mais le corps assujetti à travers lequel on vise le contrôle des âmes «mise sous contrôle des moindres parcelles de la vie et du corps dans le cadre de l'école, de la caserne, de l'hôpital ou de l'atelier Les populations sont enfermées, quadrillées, rangées, ordonnées dans le temps et dans l'espace, dans une finalité de productivité, c'est-à-dire afin de rationaliser et disciplinariser les conduites et d'améliorer le rendement. [...]
[...] La biopolitique agit SUR et DANS le milieu puisqu'elle opère sur une population dans son milieu et par le biais du milieu. Nous venons ici d'énoncer les 4 dispositifs de sécurité inhérents au modèle biopolitique (la population, la norme, le milieu et la régulation) tous animés par un même dessein: la production, l'optimalisation, et l'exploitation toujours plus grandes des forces de la population. C'est le gouvernement des corps par la police dont le rôle est, selon Foucault, de faire du bonheur des hommes l'utilité de l'Etat . [...]
[...] D'une part, la biopolitique ne peut être à l'origine d'une résistance extérieure puisqu'elle a pour seul effet que d'agir sur la paire savoir / pouvoir. C'est la thèse que soutient Jacques Rancière dans un entretien mené par le groupe Multitudes (Biopolitique ou politique), dans le cadre de la sortie de son livre La mésentente en 1995. D'autre part, la biopolitique ayant pour objectif de multiplier et renforcer les forces d'une population autonome, il se pourrait que la biopolitique ne soit pas réellement un outil du biopouvoir mais qu'elle se renforce elle-même. [...]
[...] Dans l'idéal, l'individu doit être constamment surveillé, à son insu, et de manière aussi discrète que possible afin de l'accompagner dans l'intégration des règles à suivre et qu'il devienne le gardien de lui-même. Il s'agirait d'un autocontrôle permanent dans lequel les individus, conscients de leur visibilité, vont être produits en tant qu'individus (quadrillage spatial) qui respectent les normes et qui se comportent de manière adéquate dans un rapport privilégié à leur corps. Il s'agirait également d'un outil utile à la réflexion puisqu'il va induire des questionnements et des raisonnements qui seront à l'origine de changements de comportements. Le pouvoir disciplinaire s'exerce ici de façon anonyme et continue grâce à une surveillance discontinue. [...]
[...] Cette rupture dans la pensée foucaldienne amène avec elle de nouveaux concepts : ceux d'éthique de soi et de subjectivation. Michel Foucault veut montrer que chacun appliquant de soi à soi un rapport politique sera à même de se gouverner et donc de gouverner autrui. Il s'agit de réussir à observer l'éthique de départ ayant permis à chacun de se construire un rapport à lui-même, puis d'observer ses propres règles de vie, sans creuser de soi à soi la distance d'une ignorance à combler. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture