Ce titre indique déjà une orientation ou une hypothèse qui nous semblent être au fondement de la réflexion de Sloterdijk : l'idée que la question de l'eugénisme doit se poser à partir de celle du biopolitique, comme une variable de la question générale de l'engendrement de l'homme par l'homme. Il nous a donc semblé utile pour commencer de proposer quelques rappels sur le concept de biopolitique telle qu'il apparaît chez Foucault, d'autant que Sloterdijk revendique explicitement son influence. On verra mieux ainsi la façon dont Sloterdijk se réapproprie ce concept, il nous semble dans un sens plus large et plus vague.
[...] Pour l'instant, un consensus semble s'établir pour refuser de telles démarches. Mais si l'on parvenait à comprendre et à maîtriser suffisamment notre matériel génétique pour éradiquer a priori certaines maladies gravissimes ou, encore, pour stopper les processus du vieillissement, quelle serait, quelle devrait être notre conduite ? Le Comité d'éthique, dans un texte (en date du 29 avril 1997) avait proposé quatre arguments, sans doute assez fragiles. Il faudrait interdire le clonage pour préserver la singularité symbolique du visage humain, pour laisser à la grande loterie de l'hérédité le choix du génome, pour ne pas bousculer les règles de la filiation et se garder des motivations instrumentalisantes qui justifieraient cette pratique. [...]
[...] [Il s'agit] de prendre en compte la vie, les processus biologiques de l'homme- espèce". - enfin une nouveauté dans la manière d'exercer le pouvoir : l'Etat comme réalité de pouvoir spécifique en tant qu'il ne discipline pas une population mais la régularise. Les normes de régularisation sont produites par le pouvoir de l'Etat : Foucault parle de "la bio-régulation par l'Etat". Cette régulation consiste pour l'Etat, soit directement, par un certain nombre de fonctions qui lui sont propres (cf. par exemple le ministère de la santé ou de la famille), soit indirectement par des institutions qui en dépendent (institutions médicales, caisses de secours, assurances) à veiller à l'ensemble des phénomènes vitaux qui concernent une population sur un territoire qu'il gouverne, sous la double forme d'un savoir des phénomènes vitaux qui affectent une population (Foucault cite les enquêtes démographiques, les observations régulières des types de maladies en fonction des types de populations, les études des phénomènes de fécondité, de longévité, de mortalité) et d'un pouvoir d'intervention sur les phénomènes vitaux par des mesures incitatives (politique familiale, aide au troisième enfant lorsque la proportion des naissances et des décès n'est plus correcte, correctives (mise en place d'une couverture-maladie . [...]
[...] La médicalisation de la population devient le fait d'une politique de l'Etat dont la vie est le souci majeur. De manière décisive, la médicalisation de la société est le signe que nous sommes désormais dans ce que Foucault nomme "la biohistoire", dont on peut retenir trois caractéristiques : - elle indique tout d'abord que l'histoire de l'homme et l'histoire de la vie sont, en l'homme, identifiées au point que des phénomènes vitaux (maladie, vieillesse . ) sont déterminants dans la compréhension de l'espèce humaines mais de sorte également qu'en retour les événements vitaux (et en particulier, ce qui nous intéresse ici, le génome . [...]
[...] Petit résumé de l'affaire Sloterdijk. En juillet 1999, à Elmau, Sloterdijk, auteur d'une Critique de la raison cynique (1983) saluée par Habermas, donne une conférence sur les Règles pour le parc humain déjà tenue à Bâle en 1997. Ce texte suscite, selon ses adversaires, l'indignation de certains auditeurs, mais la chose en reste là. Mais le 2 septembre le journaliste Assheuer dénonce en termes virulents, dans la Zeit, le Projet Zarathoustra d'élevage des êtres humains : selon lui un projet eugéniste et fascisant. [...]
[...] Par quels moyens pourrait- on apprivoiser l'homme si même l'humanisme, véritable école de domestication, a échoué ? Qu'est-ce qui pourrait l'apprivoiser si, malgré toutes les expériences d'éducation de l'espèce humaine, la question de savoir qui forme les éducateurs à enseigner quoi n'est toujours pas claire ? Sloterdijk évoque ici la possibilité ouverte par la pensée de Heidegger et le thème de la clairière vers une forme supérieure d'apprivoisement : L'être humain est soumis à une retenue extatique qui va au-delà de l'arrêt civilisé que le lecteur ayant la piété du texte respecte devant la parole classique. [...]
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